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le sommaire Orthotypo en librairie au responsable du site (Pour poser une question, suggérer une amélioration ou signaler une coquille) Typographie, choix éditoriaux, et brève histoire de… l’Opus Lacroussianum Magnum Ce site web et les fichiers qu’il contient sont placés sous Licence Creative Commons (by-nc-nd) |
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Abréviation
Acronyme,
Alinéa,
Appel
de note,
Astérisque,
Bible, Bibliographie,
Capitale, Chapitre,
Chiffres,
Chiffres
romains, Chimie,
Code, Compagnie,
Coupure,
Et,
esperluette,
Etc.,
Euro, Figure,
Format, Franc,
Guillemet,
Jésus-Christ,
Latin,
Madame,
mademoiselle, monsieur, Nombre,
Numéro,
Paragraphe,
Page, Pays,
Planche,
Point
cardinal, Points
de suspension, Pourcentage,
Prénom,
Saint,
Sigle,
Tome,
Titre
honorifique, Titre
religieux, Troncation,
Unité
de mesure, Vers.
« Madame
du D… disait de M… qu’il
était aux petits soins pour déplaire. »
Nicolas de CHAMFORT,
Anecdotes et Caractères.
Première
partie :
Règles et définitions
1. Vocabulaire brachygraphique (brachy :
court)
Abréviation
désigne à la fois des procédés et leur éventuel résultat :
obtenue par abréviation, Mme est l’abréviation de
Madame. C’est ennuyeux, d’autant que tous les procédés
d’abréviation n’engendrent pas des abréviations.
Au
sens large (réduction graphique d’un mot ou d’une suite de
mots), l’abréviation (l’abrègement…) se pratique dans tous les
milieux, sur des objets de toute nature et selon des règles
variées et contradictoires : Acad. (Académie),
bus (autobus), ch.-l. (chef-lieu),
dam2 (décamètre carré),
etc. (et cetera), Fe (ferrum,
« fer »), Gy (gray), H.É.C. (Hautes
Études commerciales), id. (idem),
J (joule), kW (kilowatt),
LL. AA. (Leurs Altesses), µV (microvolt),
nos (numéros), (ohm),
§ (paragraphe), 4o (quarto),
radar (radio detection and ranging),
sin (sinus), 3e (troisième),
Ve (cinquième), W (tungstène [wolfram]),
XCD (dollar des Caraïbes orientales),
Yb (ytterbium), zoo (jardin zoologique).
À
première vue, ici règnent l’incohérence et le délire
typographique. Pour échapper au chaos, il faut isoler les
perturbateurs, d’autant que certains jouent un rôle considérable
hors du cadre mesquin de l’abréviation graphique.
D’abord
les chiffres : un nombre peut s’écrire en chiffres ou en
lettres, mais il est abusif de prétendre que 1 000 000 000
000 000 000 000 000 000 000 est une réduction graphique d’un
quintillion. Les nombres exprimés en chiffres ont leur propre
système abréviatif, en l’occurrence 1030 (voir :
Chiffres,
Chiffres
romains, Nombre).
Les abréviations des adjectifs et des adverbes ordinaux (1er,
1o, XXe, etc.) aussi.
Les
mots obtenus par troncation n’ont pas davantage leur place
ici : leur réduction graphique n’est que la conséquence
d’une réduction orale. Procédé vivant, fécond, populaire, la
troncation élimine d’abord des phonèmes (sons) ; le langage
écrit reproduit cette réduction orale : (auto)bus >
bus ; dactylo(graphe) > dactylo ; micro(phone) >
micro (voir : Troncation).
Éliminons
également les diverses catégories de symboles, car la réduction
d’un mot ou d’une suite de mots n’intervient pas toujours dans
la formation de ces représentations conventionnelles (§ pour
« paragraphe »). Obéissant à des règles qui leur sont
propres, les symboles légaux (Cu pour « cuivre », km
pour « kilomètre ») et les codes concoctés par les
normalisateurs (XAU pour « or », BOB pour
« boliviano ») n’entretiennent que de très lointains
rapports avec l’abréviation française. Leur emploi est traité
dans des articles particuliers : Chimie,
Franc, Pays,
Unité
de mesure.
Demeure
le couple abréviation-sigle. Selon la définition traditionnelle,
aujourd’hui archaïque et génératrice de confusion, un sigle est
une « abréviation » réduite aux seules initiales.
Ainsi, p. pour « page » serait un « sigle ».
On
conçoit qu’il manque l’essentiel. La siglaison élimine des
lettres, et le langage oral tient compte de cette réduction
graphique ; les sigles s’épellent ou se lisent tels qu’ils
sont écrits : « Confédération générale du
travail » donne C.G.T., qui se lit
« cégété » ; OTAN (acronyme) se lit
« otan ».
La
véritable abréviation élimine des lettres, mais le langage oral
ne tient pas compte de cette réduction graphique : Mme,
no, ouvr. cité, p., zool. se lisent
« madame », « numéro », « ouvrage
cité », « page », « zoologie » et non meuh,
no, ouvre cité, pé, zohol, zol
ou zool. La siglaison enrichit le lexique (directement
et parfois par dérivation) ; l’abréviation, jamais (elle ne
passe pas dans la langue parlée, sauf si elle devient un
sigle…). La différence est considérable. Écartons par conséquent
les sigles ; ils méritent un traitement particulier
(voir : Acronyme,
Sigle).
Ces
très utiles distinctions sont retenues par des grammairiens et
des linguistes, mais laissent hélas indifférents la plupart des
typographes et quelques lexicographes. Dommage : elles
conditionnent la cohérence orthotypographique
Grevisse
1986,
Robert
1993, Universalis
1990.
Académie
1994, Gouriou
1990, Guéry
1996, Hanse
1987, Impr.
nat. 1990, Larousse 1997,
Larousse 1999,
Lexis 1989,
Perrousseaux 1995.
Formulation
abrégée :
Troncation :
réduction orale > réduction graphique (vélocipède > vélo).
Siglaison :
réduction graphique > réduction orale (Société protectrice
des animaux > S.P.A.).
Abréviation :
réduction graphique, pas de réduction orale (Mademoiselle > Mlle).
Dans
les lignes qui suivent, abréviation signifie :
réduction uniquement graphique* d’un mot ou d’une suite
de mots, à l’exclusion des symboles et des codes normalisés.
*
Les abréviations dites de discrétion sont par nature les seules
à enfreindre systématiquement la règle… N’étant pour la plupart
ni des sigles par destination ni des symboles, elles restent
dans la famille : ce B… est un imbécile.
En
revanche, la plupart des abréviations euphémiques se lisent sans
peine : je lui ai dit m… !, la P… respectueuse (voir
: § 3.12). Cas particuliers :
Monsieur K. et V.G.E. (sigles), Monsieur X et
système D (symboles), les initiales des prénoms… (voir : § 4).
Seules
sont régulières les abréviations obtenues par apocope
(suppression de lettres finales), coupées après une consonne et
devant une voyelle, laissant subsister une fraction
significative du mot abrégé : math. pour
« mathématiques », géol. pour « géologie ».
Toutes les autres formes d’abréviation sont
conventionnelles : Cie pour
« Compagnie » (contraction par retranchement médian),
p. pour « page » (lettre initiale), ms. pour
« manuscrit » (retranchements multiples). Ou
fautives… : [photog.] pour « photographie ».
Les
abréviations peuvent être réparties en trois grandes
catégories :
— les abréviations conventionnelles entrées dans l’usage
général, dont la graphie, parfois étrange, doit être
scrupuleusement respectée (etc., c.-à-d., Mme, no…) ;
par bonheur, leur nombre est limité ;
—
les abréviations conventionnelles spécialisées (N. D. T. pour
« note du traducteur », vo pour
« verso »…) ; elles sont nombreuses ;
courantes, rares ou inédites, elles exigent de sérieuses
précautions d’emploi ;
—
les abréviations régulières (adverb., géogr., suppl…). Chaque
scripteur pouvant en créer selon ses besoins, elles sont
innombrables.
Remarque.
— Emploi et formation sont deux notions à bien
distinguer. Les abréviations dites de circonstance (non entrées
dans l’usage général) peuvent être régulières ou
conventionnelles.
Code
typ. 1993.
Impr.
nat. 1990, Lecerf
1956.
L’efficacité
commande ici d’aborder les problèmes de l’emploi avant ceux de
la formation.
2.1.
Tous les codes typographiques affirment que les abréviations
doivent être aussi peu nombreuses que possible dans le corps du
texte (littéraire ou non spécialisé). C’est indiscutable. Encore
convient-il de préciser que certaines abréviations sont
nécessaires, voire obligatoires.
•••
Les seules abréviations nécessaires sont : etc. (et cetera),
no (numéro), M., MM., Mme, Mmes,
Mlle, Mlles, Mgr, Me,
Mes.
Dans
des circonstances précises, les abréviations de
« numéro » et des titres de civilité sont
obligatoires : j’occupe la chambre no 7, mais sur
ma clé figure le numéro 8… (voir : Numéro) ;
il a vu M. Machin, rencontré Me Dutilleul, croisé Mgr
Lefébure, rattrapé le docteur Grandin. (« Docteur »
n’est pas en France un titre de civilité.)
Les
formes nécessaires ou obligatoires sont peu nombreuses :
onze. Pour le reste, l’abréviation française est soumise à de
strictes règles d’emploi (et de formation) mais nul n’est tenu de
les mettre en œuvre. Cette aimable caractéristique la distingue de
nouveau des symboles légaux et des chiffres. L’abstention est non
seulement tolérable mais souhaitable.
2.2.
••
Hors des notes, des références, des appareils critiques, il est
préférable de se contenter :
—
des abréviations euphémiques ou de discrétion : en sortant de
chez T…, il m’a traité de c… ;
—
des prénoms réduits à leurs initiales : V. Hugo, J. Dupont
(ces initiales répondent le plus souvent à la définition de
l’abréviation, car seule l’ignorance, fâcheuse ou compréhensible,
empêche de lire ici Victor Hugo et Joris Dupont) ;
—
et, bien sûr, des abréviations nécessaires ou obligatoires (etc.,
no, formes abrégées des titres de civilité).
±
Dans la correspondance privée, le recours à d’autres abréviations
sera perçu par des destinataires formalistes comme une
manifestation de goujaterie.
2.3.
•
Dans les ouvrages spécialisés et les dictionnaires, dans les
références, les annexes, les tableaux, etc., les abréviations
peuvent être nombreuses, mais leur emploi et leur formation sont
néanmoins soumis aux règles exposées ici. Bien conçues et
utilisées avec discernement, elles allègent les définitions, et
« leur laconisme contribue même à la clarté ».
Frey 1857.
¶
Remarque. — Tout abus est condamnable, même dans les
ouvrages spécialisés. Est-il raisonnable d’utiliser des
abréviations dans une légende qui n’occupe pas toute sa
justification, ou qui accompagne une illustration flottant, comme
en apesanteur, dans le blanc du papier ? Attention toutefois
aux remplacements hâtifs : la règle d’uniformité des
occurrences similaires est impérative (voir : § 2.6).
•
Les codes typographiques précisent que les abréviations sont
inadmissibles dans les actes notariés. Cette règle n’est pas
toujours respectée ; il serait vain de l’exiger. On peut en
revanche exiger des notaires qu’ils sachent que 3e
n’abrège pas « troisièmement » ou « tertio »
(> 3o) mais « troisième », adjectif
ordinal qui répugne à vivre seul.
Quant
aux textes juridiques… il suffit de feuilleter le Journal
officiel ou le Code civil pour découvrir de très riches
gisements d’abréviations. L’ordonnance (1304) de Philippe le Bel
est bien oubliée.
•
Dans la poésie, les codes sont formels : pas d’abréviation.
Pour constater que les meilleurs poètes se f… parfois de ces
interdits (voir : Vers).
2.4.
•••
C’est une évidence souvent oubliée : il est absurde d’abréger
les mots dont les occurrences sont peu nombreuses. La tolérance
est proportionnelle à la fréquence, à la longueur des mots et à
l’étroitesse de la justification.
Vairel
1992.
2.5.
•••
Dans un texte ou un ouvrage donné, une abréviation ne doit
remplacer qu’un mot ou qu’un groupe de mots. Cette
règle doit s’appliquer à toutes les abréviations régulières et à
la plupart des abréviations conventionnelles.
Impr.
nat. 1990, Lecerf
1956.
Exemples.
— On réservera coll. à « collection » et l’on
abrégera « collaborateur » en collab. Si dém. abrège
« démonstratif », il convient de trouver une forme
différente si l’on souhaite abréger « démotique » ou
« démographie » (démot., démogr.). Même remarque pour
sc. (« scène » ou « science »). Isolé, chaque
emploi est correct mais, dans un ouvrage, on n’en retiendra qu’un
et l’on respectera ce choix jusqu’au point final.
Exceptions.
—
Associées à d’autres termes abrégés ou à des chiffres, certaines
graphies conventionnelles peuvent prendre des significations
différentes : p. abrège « page » et p. ex. abrège
« par exemple ». Il n’y a aucune ambiguïté : p. ex.
n’est pas composé de deux abréviations, c’est une abréviation.
On
peut bien sûr s’amuser à concocter ou à collecter des exemples
désastreux. Ainsi n’est-il pas certain que [« j’en compte 17
p. 100 »] soit d’une absolue clarté (dix-sept pour cent ou
dix-sept page cent ?). Ce n’est pas une raison suffisante
pour interdire l’usage conjoint des formes conventionnelles
p. (« page ») et
p. (« pour ») : un soupçon de discernement
dans leur emploi permet d’éviter les ambiguïtés (voir : Pourcentage).
2.6.
•••
Un mot ou un groupe de mots doit être abrégé sous une forme
unique.
Exemples.
— Si, dans un texte ou un ouvrage donné,
« comptabilité » s’abrège comptab., on ne peut recourir
subitement à compt. sous prétexte que la composition tomberait
mieux. Si, dans un texte ou un ouvrage, bd abrège
« boulevard », boul. (également correct) est exclu…
Greffier
1898, Vairel
1992.
Lefevre
1855 tolère « à la rigueur » des entorses
exceptionnelles à cette règle.
Si
l’on abrège un mot, on ne reviendra à la forme complète dans
aucune occurrence similaire (notes, légendes, bibliographie,
etc.). Cette règle, qui a priori semble inutilement contraignante,
est en vérité l’une des plus motivées : si dans des
occurrences similaires on passe d’une forme abrégée, par exemple
vx, à la forme complète (« vieux »), on court le risque
de faire croire au lecteur, qui est généralement moins bête que ne
l’imagine le scripteur, que vx ne signifie pas
« vieux »…
Cela ne signifie pas que tel mot abrégé dans les notes ou les
légendes devra l’être dans le corps du texte…
2.7.
•••
La signification de toutes les abréviations de circonstance, qui,
par définition, n’ont de valeur que dans un texte donné, doit être
précisée dans une table. Cette précaution d’emploi s’applique aux
abréviations régulières (Acad. pour « Académie ») et aux
abréviations conventionnelles « spécialisées » (vo
pour « verso »). Il serait en revanche ridicule de
« traduire » les abréviations conventionnelles entrées
dans l’usage courant (etc., M., no, etc.).
2.8.
••
La coupure des abréviations en fin de ligne est proscrite :
[ad / verb., p. / ex.]. Les règles générales de la coupure des
mots n’introduisent ici aucune exception. Toutefois, dans quelques
cas, un peu de souplesse s’impose, singulièrement dans les
justifications très étroites : couper [hist. | nat.] est
certes déconseillé, mais l’entorse sera toujours préférable à un
espacement défectueux.
Frey 1857.
Exemple
(à ne pas suivre). — Coupure après le trait d’union
[av.- / pr.].
2.9.
•••
Fautes.
Elles
relèvent souvent de l’orthotypographie : [géog.] pour géogr.
(« géographie »), [gram.] pour gramm.
(« grammaire »), voir : § 3.2 ;
parfois de l’orthographe : [supl.] pour suppl.
(« supplément »)…
2.10.
••
Abréviations étrangères.
Seules
les abréviations de mots latins et de mots étrangers francisés ou
admis dans notre langue sont tolérables dans un texte ou un
ouvrage écrit en français : id. (« idem »).
Ici,
il convient de bien distinguer les sigles étrangers, tout à fait
admissibles, des abréviations étrangères. Épelés ou lus au long,
ceux-là s’intègrent sans peine à la phrase, voire au lexique
français (V.S.O.P., laser). Devant être lues sous leur forme
complète, celles- ci sont à proscrire, même sur les enveloppes.
Par exemple, l’abréviation c/o, admise par Code
typ. 1993, Guéry
1996 et Larousse
1997, est normalement lue « care of ».
Il suffit de le savoir ou d’être anglophone, ce qui, jusqu’à
nouvel ordre, n’est une obligation pour personne. Quelques
dizaines de milliers de francophones, habiles, transforment
l’abréviation en symbole et lisent « aux bons soins
de ». Des millions d’autres en font un sigle et, perplexes,
lisent « c’est haut ».
2.11.
L’emploi intempestif de l’abréviation n’est pas une nouveauté,
tout paléographe en fait l’expérience quotidienne. Philippe le Bel
a tenté de limiter ses méfaits en des temps où elle bénéficiait
pourtant de mobiles sérieux : économiser la peine du copiste
et le parchemin, support très onéreux, faciliter la justification
des lignes manuscrites (prenant le relais des copistes, les
premiers imprimeurs l’utilisèrent d’abondance à cet effet).
Aujourd’hui, elle sauve moins de papier que n’en font perdre les
pléonasmes. Or les accros de l’abrév. sont souvent des spécial. de
la formule superfét., du pléon., de la redond., du truisme.
3. Formation
Principe.
Pour qu’elles soient lues — donc comprises — sans effort, les
abréviations doivent être aisément repérables : ce qui
concourt à les marquer discrètement est ici privilégié.
3.1.1.
•••
On ne devrait jamais donner à une abréviation personnelle une
forme identique à celle d’une abréviation courante.
Abréger
« Cérémonie privée » par Cie pr. est à
l’évidence une erreur grotesque.
••
Il est déconseillé de s’approprier certaines abréviations
spécialisées. Exemple : chap. abrégeant
« chapitre » et ch. abrégeant « chant »,
abréger « chapeau » par apocope (retranchement de
lettres finales) est téméraire.
•
Mais pas exclu… Au sein de textes ou d’ouvrages spécialisés, la
graphie d’une abréviation peut recevoir des significations
inédites et exemptes d’ambiguïté. Dans un catalogue de
chapellerie, ch. folkl. ne risque pas d’être lu « chant
folklorique ». (Il convient toutefois de respecter la règle
de la graphie unique : ch. ne devra pas signifier autre chose
que « chapeau ».)
3.1.2.
••
Une abréviation ne devrait pas reproduire un mot existant :
{attribution > attribut.}, {testament > test.}. Il faut être
assez loin de ses chausses pour déguiser des
« habitants » en {habit.} Pour le lecteur pressé, le
point abréviatif ne suffit pas toujours à éliminer les risques de
mauvaise interprétation (surtout en fin de phrase, où il se
confond avec le point final). Cette règle est peu respectée. Hachette
1995 abrège « cordonnerie » en {cordon.},
réalisant ainsi une double faute facilement évitable > cordonn.
Quelques
abréviations courantes la transgressent : article > art.,
auxiliaire > aux., capitale > cap., caractère > car.,
colonne > col., commentaire > comment., éditeur > édit.,
volume > vol.
Dans
la plupart des cas, le contexte élimine l’équivoque, mais on
évitera d’abréger « article nouveau » ou « éditeur
de Nantes ».
Frey 1857,
Ramat
1994.
••
Plus généralement, toutes les formes équivoques sont à proscrire.
Abréger « cathare » en cath. n’aidera personne à y voir
clair et Dieu aura du mal à retrouver les siens. Lorsque
l’équivoque se double d’une incongruité, seule une intention
lourdement comique peut justifier un choix désastreux : dans
ces pages, à titre d’exemple à ne pas suivre, le « Conseil
supérieur de la langue française » aurait pu s’abréger en
Cons. sup. (Justifiée dans l’abréviation, la chasse aux
incongruités l’est aujourd’hui beaucoup moins dans la coupure des
mots en fin de ligne, voir : Coupure.)
3.2.
Apocope.
3.2.1.
On conserve toutes les consonnes initiales de la première syllabe
tronquée :
A ca dé mie
> A ca d > Acad.
pho to gra phie > pho to gr > photogr.
Code
typ. 1993,
Impr.
nat. 1990 et Lecerf
1956 demandent le retranchement « toujours avant
une voyelle
». C’est indiscutable mais insuffisant.
« Bibliographie » pourrait ainsi s’abréger [bibli.].
« Toujours après une consonne » n’est pas
meilleur : [bib., bibliog.]… Il n’est pas superfétatoire de
préciser « après une consonne et avant une
voyelle » : bibliogr.
Doppagne
1991, Grevisse
1986 (qui donne comme exemple gramm. pour
« grammaire »), Leforestier
1890.
Code
typ. 1993, Impr.
nat. 1990, Lecerf
1956.
Cette
règle très utile doit être respectée. Elle facilite la
compréhension des abréviations : cosmog. ne pouvant abréger
« cosmographie » (> cosmogr.) abrège nécessairement
« cosmogonie ».
Exceptions.
— Il est évident que la règle ne s’applique pas aux
apocopes jusqu’au-boutistes (abréviations conventionnelles
réduites aux seules initiales). « Est » (point cardinal)
s’abrège E., « Aurore Dupin » s’abrège A. Dupin,
« Jésus-Christ » s’abrège J.-C. Les digrammes (deux
lettres pour un seul son) sont parfois maintenus (ch.-l. pour
« chef-lieu »), en particulier dans les abréviations de
prénoms (voir : Prénom).
3.2.2.
Quel que soit le nombre de lettres qui la composent et quel
que soit son mode de formation, une abréviation qui n’inclut pas
la dernière lettre du mot abrégé prend le point abréviatif. C’est
bien sûr le cas pour toutes celles qui sont formées par apocope
simple (p., M., éd., arithm., iconogr.), ou par retranchement(s)
médian(s) et apocope : ms. pour « manuscrit ».
Les points cardinaux n’échappent pas à la règle : N., E., S.,
O. Corollaire : le point abréviatif est fautif dès lors que
la dernière lettre du mot abrégé est conservée (absolt pour
« absolument », vx pour « vieux »).
L’Académie n’en a cure et abrège abusivement
« absolument » en [absolt.] et « abusivement »
en [abusivt.].
Code
typ. 1993, Doppagne
1991, Dumont
1915, Fournier
1903, Greffier
1898, Grevisse
1986, Larousse
1997.
Code
typ. 1993, Impr.
nat. 1990 {N, E, S, O ou W}, Larousse
1999.
Dans
certains cas, le point abréviatif (et éventuellement la marque du
pluriel) permettent de distinguer l’abréviation de la
troncation : doc. math. ; « Pas fort en maths, le
doc ! »
Exceptions.
— Les abréviations scientifiques ne sont pas soumises à la
règle commune : cosec (« cosécante »), cov
(« covariante »), sin (« sinus »), etc. Par
souci de cohérence, on admettra que le système international
(d’unités) s’abrège SI, sans point abréviatif (à l’instar des
symboles des unités de mesure).
3.2.3.
Inepte, le retranchement d’une seule lettre est proscrit.
Cette règle doit être respectée. Éliminant certaines
interprétations, elle facilite la compréhension des abréviations.
Par exemple, adverb. abrège nécessairement « adverbial »
ou « adverbialement », car il ne peut abréger
« adverbe » (adv.) ; de même, angl. a de fortes
chances d’abréger « anglais » (ou un dérivé comme
« anglicisme » ou « anglican ») car il ne peut
abréger « angle ».
=
Impr.
nat. 1990, Lecerf
1956, Typogr.
romand 1993.
De
prétendues exceptions sont des abréviations conventionnelles d’au
moins deux mots, ce qui justifie en partie le procédé :
b. d. c. (« bas de casse »), eod.
loc.* (« eodem loco »), i. e.
(« id est »), i. h. l.
(« in hoc loco »), loc. cit.
(« loco citato »), loc. laud.
(« loco laudato »),
N. D. L. R. (« note de la
rédaction »), N. D. T. (« note du
traducteur »), s. l. n. d. (« sans lieu ni
date »), s. g. d. g. (« sans garantie du
gouvernement »), S. M. (« Sa
Majesté »), S. S. (« Sa Sainteté » »).
*
Le loc. pour loco (« passage ») est
malgré tout pervers : pour un gain de place quasi nul, il
favorise aujourd’hui une interprétation erronée
(« locution ») chez de nombreux lecteurs.
3.2.4.
Le retranchement de deux lettres n’est guère recommandable
(sauf pour les mots de trois lettres réduits à leur initiale…).
Une des deux lettres est remplacée par un point abréviatif ;
bénéfice : un signe.
Exemples.—
{biochim. (biochimie), bret. (breton), part. (partie)}.
Bien
que courant et admis dans la plupart des ouvrages de référence,
{liv.} pour « livre » est doublement fautif :
coupure entre deux consonnes, retranchement de deux lettres. À
proscrire ! Plus soucieuse de gagner (modérément) de l’espace
que du temps, l’Académie n’hésite pas à abréger
« psychiatrie » en [psychiatr.]. On admettra id.
pour « idem » ; et l’officiel mais
désastreux « C. civ. » pour « Code civil »,
abréviation conventionnelle de deux mots (voir : Code).
=
Typogr.
romand 1993.
Lecerf
1956,
3.2.5.
Le retranchement de trois lettres ne devrait s’appliquer
qu’aux mots courts (quatre à sept lettres). Exemples : p.
pour « page » (abréviation conventionnelle), anc. pour
« ancien » (abréviation régulière). Remplacer
« supplément » par {supplém.} ne semble pas
indispensable ; pour être justifiée, l’abréviation doit être
rentable (tout en demeurant compréhensible sans trop
d’effort) : suppl. est en l’occurrence la seule forme
recommandable. Le contexte élimine, en principe, les
interprétations erronées (ici, supplication, supplice,
etc.) ; si ce n’est pas le cas, il est préférable de renoncer
à la forme abrégée.
On
recommande parfois de ne pas altérer le radical du mot abrégé. Cet
excès de prudence n’est pas une règle. Quantité d’abréviations
courantes, parfaitement compréhensibles, s’attaquent aux racines.
Impr.
nat. 1990.
3.3.
Retranchement médian.
3.3.1.
Conservant leur(s) lettre(s) finale(s), les abréviations
obtenues par retranchement médian ne prennent pas de point
abréviatif : Cie pour « Compagnie »,
Mme pour « Madame », no
pour « numéro », ro pour
« recto », Vve pour « Veuve »,
etc.
3.3.2.
Les lettres supérieures sont nécessaires dans les
abréviations qui peuvent être lues au long : [no] no,
[ro] ro, [Me] Me, {Cie} Cie ;
elles sont parfois obligatoires pour plusieurs raisons : {Con}
ancienne abréviation de « canton ». Les dictionnaires
font un usage excessif du retranchement médian : {absolt}
pour « absolument », {spécialt} pour
« spécialement », etc. Bien qu’elles n’indiquent pas
qu’il s’agit d’adverbes, les formes obtenues par apocope (absol.)
sont préférables (voir : § 3.2).
Dans
les abréviations qui ne peuvent être lues au long, les lettres
supérieures sont :
—
facultatives, mais très recommandées après une majuscule
initiale : Mlle ou Mlle ;
—
en principe (mais ce n’est pas le même, et celui-ci ne mérite pas
ce nom…) proscrites s’il n’y a pas de majuscule initiale : bd
pour « boulevard », fg pour « faubourg », etc.
Mais… {bd} ou {fg} sont à la fois fautifs,
cohérents et séduisants.
¶
Les logiciels de traitement de texte permettent d’obtenir très
facilement les lettres supérieures : les graphies Mme, Mlle
ne sont pas fautives, mais déconseillées dès lors qu’on travaille
sur une machine capable d’offrir Mme, Mlle.
Attention !
à ne jamais entrer un zéro supérieur : 0 ni un
degré : ° en lieu et place de la lettre supérieure o
dans les abréviations : no, ro, vo,
1o, 2o, etc.
Selon la
police employée, la différence peut se révéler considérable :
[n0] (chiffre), [n°] (degré) et no (lettre)
3.4.
Retranchements multiples.
C’est
ici le règne du n’importe quoi. Une seule règle : si la
lettre finale du mot abrégé est conservée, pas de point
abréviatif.
Exemples.
— mss pour « manuscrits »… et
ms. pour « manuscrit »…
Ce
procédé abréviatif est devenu rare ; on devrait respecter son
sommeil et, pour l’heure, les rares formes traditionnelles qu’ils
nous a léguées. Si l’on tient néanmoins à l’employer et à lui
faire engendrer des formes inédites, on éliminera en priorité les
voyelles.
•••
Les qqn, tjs et jms pour « quelqu’un », «
toujours » et « jamais » ne peuvent figurer dans
une composition, quelle qu’elle soit : ces graphies doivent
être cantonnées aux notes manuscrites et aux brouillons.
3.5.
•••
Les abréviations se composent en italique si elles remplacent des
mots ou des groupes de mots latins qui prennent l’italique dans
leur forme complète : eod. loc. pour « eodem
loco ».
Etc.
n’est pas une exception : « et cetera » se compose
en romain. Qui prétendra que cette locution latine n’est pas
intégrée à notre langue ? (Voir : Etc.,
Latin).
Guéry
1996.
Cas
particulier. — Idem, et sa forme abrégée id., se
composent en petites capitales romaines dans les références
bibliographiques où ils tiennent lieu du nom d’un auteur,
précédemment composé en petites capitales : IDEM,
ibid., acte III, sc. II ;
ID.,
Zadig, p. 56.
En
revanche, ibid. (qui ne peut remplacer qu’un titre ou une
partie de titre d’œuvre) est toujours composé en italique.
Guéry
1996.
En dépit de la popularité dont elles jouissent auprès des
universitaires et des biblio(graphes, philes, crates, logues),
quelques abréviations latines devraient être abandonnées au profit
d’homologues françaises. La tare majeure des i. e. et des
sqq. est que, pour les non-latinistes, aujourd’hui
majoritaires chez les « lettrés », ce ne sont pas des
abréviations : ils ne se lisent pas id est (« c’est-à-dire »)
et sequunturque ou sequentia
(« suivants ») mais « i-eu » et « est-ce
cucul ». Eh bien, oui, c’est plutôt cucul.
Les
doctes peuvent se satisfaire de se comprendre entre eux, chacun a
ses hochets et je ne suis pas chargé d’instruire le procès de la
puérilité, mais il me paraît judicieux de conseiller — dans les
textes écrits aujourd’hui, et lorsqu’il existe une abréviation
française équivalente — l’emploi systématique d’abréviations
dignes de ce nom, et dont la forme complète soit lisible par tous.
A. C. | ante Christum, avant le Christ | > av. J.-C. | |||
A. D. | anno Domini, année du Seigneur | > apr. J.-C. | |||
i. e. | id est, c’est-à-dire | > c.-à-d. | |||
loc. cit. | loco citato, passage cité | > pass. cité | |||
op. cit. | opere citato, ouvrage cité | > ouvr. cité | |||
sq. | sequens, sequiturque, et suivant(e) | > et suiv. | |||
sqq. | sequentia, sequunturque, et suivant(e)s | > et suiv. |
3.6.
•••
Les mots qui prennent la majuscule initiale la conservent dans
leur forme abrégée. Cela autorise des distinctions subtiles :
acad. pour « académique » et Acad. pour
« Académie » ; alg. pour « algèbre » ou
« algérien » et Alg. pour « Algérie ».
Toutes
les abréviations prennent une majuscule initiale si elles sont
placées en tête de phrase.
En
revanche, bien des mots qui s’écrivent sans majuscule initiale en
adoptent une sous leur forme abrégée.
Exemple.—
nord > N.
Les
abréviations « autonomes », ou par nature placées en
tête d’alinéa, ou jouant un rôle dans la mise en pages, se
composent généralement en capitales :
N. D. L. R. pour « note de la
rédaction », P.-S. pour « post-scriptum ».
3.7.
••
Composées en grandes capitales, les lettres accentuées conservent
leur accent : N. D. É. pour « note de
l’éditeur ».
La quasi-totalité de la presse et de l’édition…
3.8.
•••
Le point abréviatif est absorbé par le point final et par les
points de suspension : Acad… N. D. T… Il se
maintient avec tous les autres signes de ponctuation : masc.,
fém. ?
Impr.
nat. 1990, Ramat
1994, Typogr.
romand 1993.
Attention !
s’ils peuvent se fondre en un seul signe lorsque rien ne les
sépare, point abréviatif et point final ne doivent pas être
confondus : suivi d’un autre signe, le point abréviatif ne
met pas un terme à la phrase.
Cas
particulier, voir : Guillemet.
L’appel
de note engendre les mêmes difficultés ; il se retrouve
coincé entre deux points : les Romains occupent la ville en
52 av. J.-C.5. Visuellement, l’effet n’est guère
heureux. Il n’y a hélas qu’une chose à faire : éviter ces
mauvaises rencontres. C’est souvent très facile (s’il ne s’agit
pas d’une citation ou si l’auteur est dans les parages) : en
52 av. J.-C., les Romains occupent la ville5. Ou, mieux
(voir : Jésus-Christ) :
les Romains occupent la ville en 52 avant Jésus-Christ5.
Exemple.
— Revenons à nos moutons (masc. pl.)… et à nos brebis (fém. pl.).
3.9.
Abréviations composées.
Dans
une locution ou un groupe de mots, il y a autant de points
abréviatifs que de mots abrégés par apocope.
Exemples.
— On écrit gr. cap. pour « grande(s) capitale(s) »
(voir Capitale),
b. d. c. pour « bas de casse », c.-à-d. pour
« c’est-à-dire » (n’étant pas abrégé, « à »
n’est pas suivi d’un point abréviatif).
Perrousseaux
1995. « L’abréviation des groupes de mots ne
comporte pas de point final […]. », assertion qui le conduit
à proposer : [c-à-d] ou [apr. J-C]…
Dans
un groupe formé d’un substantif et d’un adjectif, on peut abréger
soit les deux mots (hist. nat.), soit uniquement le substantif
(phys. nucléaire), mais on s’abstiendra d’abréger le seul adjectif
[chimie org.].
Lecerf
1956.
Cette
respectable règle typographique — efficace dans la plupart des cas
— doit cependant s’effacer si elle est en contradiction avec un
impératif dicté par le bon sens : dans un groupe de mots, on
abrège de préférence les termes courants (ou facilement
reconnaissables sous leur forme abrégée) et l’on maintient la
forme complète des termes rares (ou difficilement reconnaissables
sous leur forme abrégée).
Halkin
1946.
Les
mots composés conservent le trait d’union.
Exemple.—
ch.-l. pour « chef-lieu ».
¶
Espace.
On
pourrait faire simple en affirmant qu’une espace insécable est
obligatoire entre tous les composants non reliés par un trait
d’union… L’accord sur ce point n’étant pas unanime, soyons (à mon
sens inutilement) précautionneux. Une espace insécable est
obligatoire pour séparer les composants non reliés par un trait
d’union si l’un d’entre eux compte plus d’une lettre : p.
ex., hist. nat., C. civ. [p.ex., hist.nat., C.civ.].
Si
tous les composants sont réduits à une lettre initiale, l’espace
insécable est :
—
obligatoire si l’abréviation est seulement composée de deux
minuscules initiales : p. i., p. o. [p.i.,
p.o.]* ;
—
facultative mais très recommandée dans tous les autres cas.
*
Les Anglo-Saxons goûtent moins que nous les espaces insécables :
e.g. (exempli gratia), m.p. (melting point), M.Ph. (Master
of Philosophy), etc. Par contagion, elles tendent hélas à se
raréfier dans l’abréviation française, y compris dans les formes
où elles sont « obligatoires ».
Plus
de deux minuscules initiales : b. d. c. et
s. l. n. d., plutôt que {b.d.c.}, {s.l.n.d.}.
Combinaison
de majuscules et de minuscules initiales :
Q. e. d., plutôt que {Q.e.d.}.
Majuscules
initiales : N. D. L. R. et E. V.,
plutôt que {N.D.L.R.} et {E.V.}.
L’espace
permet de distinguer graphiquement les abréviations (R. S. V. P.)
des sigles (R.A.T.P.).
Bien
sûr, tout cela ne constitue pas une garantie contre l’épellation
saugrenue…
Ramat
1994.
3.10.
Apostrophe.
Régulière
dans l’élision, admissible dans la troncation, l’apostrophe
n’intervient jamais dans la formation de l’abréviation française.
Il n’y a pas d’élision dans une réduction uniquement graphique.
Tout juste tolérable (mais très déconseillée) dans certains noms
propres étrangers {R’dam}, c’est un germanisme typographique dans
l’expression tronquée des années : [’67] > 1967.
3.11.
Pluriel.
3.11.1.
Les abréviations, en tant que telles, ne prennent généralement pas
la marque du pluriel.
Exceptions.
— Voir : § 3.11.3 et 3.11.4.
Gradus
1980, Typogr.
romand 1948.
Doppagne
1991, Berthier
& Colignon 1979, Typogr.
romand 1993.
3.11.2.
Il est imprudent d’affirmer que certaines abréviations obtenues
par retranchement médian sont des exceptions à cette règle.
Mmes
n’est pas formé avec Mme plus la marque du pluriel,
c’est l’abréviation (par retranchement médian) de « Mesdames ».
Mlles
n’est pas l’abréviation de « Mademoiselle » plus la
marque du pluriel, c’est l’abréviation de « Mesdemoiselles ».
3.11.3.
Le pluriel par doublement de lettres initiales est réservé à
quelques titres : M. : MM.* ; R. P. : RR.
PP.**, etc.
Aucun
rédacteur de code ne peut cependant reprocher à Pierre Lusson, à
Georges Perec et à Jacques Roubaud de s’être ainsi désignés :
« MM. les AA. du Petit Traité de go*** »…
*
Sur le caractère inepte de M. et MM., voir : Madame,
mademoiselle, monsieur.
**
Voir : Titre
honorifique.
***
Petit Traité invitant à la découverte de l’art subtil du go,
Christian Bourgois, [Paris], 1991.
Point
abréviatif unique : MM. ; forme fautive très
fréquente : [M.M.]
Le
traditionnel pluriel pléonastique par doublement de l’initiale des
formes plurielles franchit les bornes du burlesque. Il est par
bonheur réservé à des catégories sociales peu nombreuses et
coutumières du fait : S. A. S. (« Son Altesse
Sérénissime »), LL. AA. SS. (« Leurs Altesses
Sérénissimes »), voir : Titre
honorifique.
Tout
le monde s’accorde sur la graphie de l. (« ligne »,
« lignes »), de v. (« vers »), de t.
(« tome », « tomes ») : l. 3-5,
v. 24-37, t. II-VI. Rien ne justifie que les
« pages » (p.) et les « feuillets » (f.)
soient traités différemment {pp., ff.}.
Exemple.—
p. 15, 18 ; p. 3-12. Tout lecteur comprendra
sans peine que la page 15 et la page 18 comptent bien
pour deux pages, et que de la page 3 à la page 12 il y a en effet
plusieurs pages. Inutile d’allonger une abréviation parfaitement
claire. On peut objecter que pp. suiv. (« pages
suivantes ») fournit une information non négligeable ;
quant à la précision, elle est décisive : le lecteur est
invité à consulter deux, ou trois, ou dix, ou cinquante
« pages suivantes ».
Le
{ffos} (« folios ») du Code
typ. 1993 est affublé d’un double pluriel étrange et
inutile > fos.
Impr.
nat. 1990, Vairel
1992.
Code
typ. 1993, Doppagne
1991 {pp., ff.}, Typogr.
romand 1993 [pp.].
3.11.4.
Cas particulier.
Redoublement,
archaïque et très rare, d’une lettre qui n’est pas
l’initiale : sq. (« sequiturque »),
sqq. (« sequunturque »).
3.12.
••
Anonymat, discrétion, décence, euphémisme, initiales…
Bien
qu’elles transforment leur point abréviatif en points de
suspension, les abréviations euphémiques ou de décence répondent
le plus souvent à la définition de l’abréviation : on lit la
forme complète. « Je vais lui casser la g… » se lit
rarement « Je vais lui casser la gé. »
Les
abréviations de discrétion sont plus capricieuses. D’abord parce
qu’elles disposent de plusieurs signes abréviatifs : point,
points de suspension, astérisques : un sieur
« Gauthier » peut se dissimuler sous des graphies
diverses : G., G…, G……, G*, G***. Ensuite parce que cet
anonymat interdit en principe la lecture de la forme complète — la
réduction n’est pas uniquement graphique (> sigle) —
; mais il n’est pas toujours assuré et, dès lors, la forme
complète est lue (> abréviation)…
La lecture (voir : § 4.1) des
initiales des prénoms et des patronymes est conditionnée par
l’usage et par la connaissance des formes complètes : É. Zola
se lit « Émile Zola », mais R. Laennec se lit plus
souvent « Erre Laennec » que « René Laennec ».
Pour une raison qui m’échappe, des spécialistes voudraient que
l’on n’abrège pas les prénoms dans les pseudonymes (Berthelot
1992), et des graphies comme A. France ou G. Sand
seraient fautives. Cette « règle » n’est respectée par
personne ou peu s’en faut… Les auteurs qui ont adopté un
pseudonyme sont les premiers à l’enfreindre ou à l’ignorer.
Faisons comme eux. À ceux qui seraient séduits par cette
interdiction, je propose l’exemple suivant : « Alain
Fournier, dit Alain Dreux Galloux, dit A. D.
G. » (pseudonyme et sigle).
Remarque.
— Pour les patronymes (personnages), les toponymes (lieux)
et les dates, les trois astérisques sont à mon sens les plus
élégants et par tradition les plus spécifiques des signes
abréviatifs de discrétion (savamment ostentatoire). Ils sont hélas
de moins en moins employés ; le point abréviatif et les
points de suspension sont sans doute mieux adaptés à l’anonymat
pur et dur. Dans les ouvrages où les astérisques sont des appels
de note, la confusion des rôles n’est bien sûr pas souhaitable
(voir : Appel
de note, Astérisque).
4.1.
Aujourd’hui, les sigles prolifèrent : par contagion,
l’épellation fait des ravages… S. V. P. lu
« esse-vépé » au lieu de « s’il vous plaît »
devient un sigle.
Les
initiales de prénoms et de patronymes peuvent devenir des
sigles : V.G.E. s’épelle et ne se lit pas « Valéry
Giscard d’Estaing ». Autres exemples : Monsieur K.,
B.-H.L., J.F.K. En revanche, il est des cas où le passage au sigle
est critiquable ( sauf si une volonté de dérision justifie le
procédé) : av. J.-C. se lit « avant Jésus-Christ »…
Bibl.
nat. est une abréviation que tout le monde lit « Bibliothèque
nationale » ; mais B.N. ? Eh bien, cela dépend… Si
on lit « béhenne », c’est un sigle, et la graphie {BN}
est déconseillée mais tolérable > B.N., voir : Sigle ;
si on lit « Bibliothèque nationale », c’est une
abréviation, et la graphie [BN] est une forme fautive que l’on
s’étonne de voir recommandée dans Impr.
nat. 1990 à l’article « Abréviation ». Même
remarque pour {QG} : épelé, Q.G. n’est plus une abréviation
mais un sigle. (En revanche, w.-c. est en principe un sigle,
prononcé « doublevécé » ou « vécé », que l’on
transforme parfois en abréviation approximative, prononcée
« ouaterre »).
Lecerf
1956
et Code
typ. 1993 critiquent la graphie
S. A. R. L. (« société à responsabilité
limitée »). Avec raison : le point abréviatif est fautif
après ce A qui n’abrège pas à… Ils proposent donc :
S. à R. L. ou S. A R. L. La première
graphie est acceptable… sauf si nous avons affaire à un sigle. Ce
qui est le cas : S. A R. L. ne pèche que par
son A non accentué > S.ÀR.L.
4.2.
Certaines « abréviations » de discrétion sont en fait
des symboles. Si le lecteur est censé ignorer que tel C… abrège et
cache par exemple « Charles » ou « Chopin »,
il sait au moins que l’initiale du nom celé est un C. En revanche,
il est rare (mais pas exclu) que X abrège « Xavier » ou
« Xénophon ». Dans la quasi-totalité des occurrences, X
est un symbole qui n’abrège pas un nom mais qui le remplace, qui
le représente, quelle que soit l’initiale de celui-ci *. Les
traditionnels points de suspension sont admissibles (quoique
pléonastiques) en tant que (seconde) marque de discrétion, mais il
convient de ne pas imaginer qu’ils ont absorbé un point
abréviatif.
*
L’usage
subtil du point abréviatif permet de différencier l’abréviation
(X. pour Xavier) du symbole (X pour Roger). Chaque lettre de
l’alphabet peut être employée comme abréviation de discrétion ou
comme symbole.
Exemples
d’abréviations (ou, pour quelques érudits inattentifs, de
sigles) : Iannis X. compose, Marguerite Y. écrit,
Ossip Z. peint.
Exemples
de symboles (pour tout le monde) : l’élève A (Bruno)
compose, l’élève B (Christian) écrit et l’élève C
(Alain) chahute.
Exemple.
— « X… écrit avec son sang ; mais son sang, c’est
de l’encre. » – Jean ROSTAND,
Pensées d’un biologiste.
En
l’absence de points de suspension, il est absurde de mettre un
point abréviatif après un symbole qui n’abrège rien et d’écrire,
par exemple : [Monsieur X. sort de Polytechnique]
> Monsieur X sort de Polytechnique. Ne pas confondre
avec Monsieur K. ! Dans ce cas, ce K. est le sigle de
« Khrouchtchev » : le point abréviatif est
obligatoire.
Exception.—
Le système D, sans point abréviatif (« D comme
débrouillardise »), graphie traditionnelle, justifiée par son
allure plaisante de symbole scientifique…
Employés
seuls (sans initiale), les points de suspension et les astérisques
sont assimilables à des symboles : la mairie de … est en
ruine ; le maire de *** est très âgé.
Par
le biais d’un artifice (autonymie, nominalisation accidentelle,
etc.), les abréviations peuvent s’adjoindre un déterminant. Dès
lors, elles ont tendance à devenir des sigles : « Vos
ridicules “T. S. V. P.” m’ont scandalisé. » Ce
temporaire changement de statut n’impose pas la suppression des
espaces.
Fin de la
première partie
Lire la deuxième partie
(« Quelques abréviations »)
Lire la troisième partie
(« Débats sur Internet »)