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« […] On
peut ainsi analyser la voyelle contenue
dans le mot anglais “full” comme . »
Otto JESPERSEN,
la Syntaxe analytique.
Cet
ouvrage est consacré à l’orthotypographie française… Les règles,
les indications, les conseils relatifs à la composition des
langues étrangères ne concernent
donc que les fragments insérés dans des textes français.
Les
traditions typographiques sont diverses : quiconque souhaite
composer correctement un ouvrage dans une autre langue que le
français doit consulter les codes typographiques idoines.
Latin Abréviation, Bibliographie, Etc., Incipit, Index.
« Sic
transit, comme chantait Homère. »
Comœdia, 12 décembre 1910.
A
fortiori, a posteriori, a priori.
Gouriou
1990 [à priori].
Ab
initio, ad hoc, ad hominem, ad libitum,
ad litteram, ad nominem, ad patres, ad
vitam æternam, bis, casus belli, exeat,
exequatur, grosso modo, ibidem, idem,
in extenso, in extremis, in fine, infra,
loco citato, minus habens, modus vivendi,
numerus clausus, op. cit., passim, quater,
sic, supra, ter, via, vice versa.
I.
A priori :
a priori ? à-priori ?
À
F.L.L.F., Alt.Culture.Cajun, du 1er au 2 septembre
1999.
D.
B. : L’opposition aux réformes vient souvent d’une certaine
ignorance.
Bien
entendu…
Il
se trouve que la réforme du Cons. sup. s’est intéressée au
substantif « a priori »… qu’elle écrit « un
apriori, des aprioris », sans accent, évidemment… Le retour
de la locution « a priori » à la forme « à
priori » est une proposition du Robert (cf. son Banc
d’essai) consécutive aux travaux du Cons. sup., proposition
que, jusqu’à ces derniers temps, cette maison d’édition n’a pas
mise en œuvre, ce que je regrette.
La
réforme « simplificatrice » dont on parle ici
consisterait donc à passer d’une forme unique (substantif
invariable et locution : « a priori ») à deux
formes contradictoires : « à priori » et
« apriori »…
Je
n’ai rien contre les réformes, cher D. B. Je suis pour la graphie
« à priori » (locution), parfaitement claire et
française… et pour un substantif cohérent : un
à-priori, des à-prioris (par exemple…) et je reste, par ignorance,
fermement opposé à une réforme bâclée, démagogique,
supercomplexifiantesque.
L.
BENTZ :
Dans le Petit Robert (éd. 1999), je trouve « a
priori », mais « apriorique »,
« aprioriste » et non « a-priorique » ou
« a-prioriste ».
Je
le sais bien, ce n’est pas une nouveauté… et elle ne me choque pas
(tant que « a priori » s’écrit ainsi, ce que je ne
souhaite pas…). Vous semblez oublier que mon message portait sur
le couple simplificateur « à priori, un apriori » et que
ma proposition (un à-priori) n’est pas attribuable au Robert…
Permettez-moi un autre petit rappel : en français, on écrit
« à propos, un à-propos ; à peu près, un
à-peu-près ; à pic, un à-pic »…
Souhaitez-vous,
pour demeurer cohérent et fidèle à l’esprit de la réforme, écrire
« un apropos, un apeuprès, un apic » ?
Voyez-vous
le problème ? Et voyez-vous pourquoi le Cons. sup. s’est bien
gardé de l’aborder, se contentant lâchement, piteusement, de
proposer une rectification du substantif, pour le reste
démerdez-vous ? L’adoption d’« à priori »
(hautement souhaitable pour des raisons honnêtes) est aussi un
piège mortel pour les rectificateurs…
L.
BENTZ :
[Pour Jouette] « A [À] priori » a une couleur
d’expression (comme « à première vue »), mais la
substantivation n’interdit pas l’agglutination.
Elle
est bonne, monsieur Jouette… On agglutine quoi ? « a
priori » ou « à priori » ? Ces crochets sont
d’un pratique…
À
F.L.L.F., du 19 au 20 octobre 2000.
L.
BENTZ :
Ceux qui tiennent à la formule latine (« a » sans
accent) devraient alors, comme il sied selon la Sainte Écriture
(le Lexique de l’I.N.) utiliser l’italique (ou le romain
dans un texte en italique).
Sur
ce point, l’Hyène est à côté de ses pompes et fait preuve
d’une rigidité à la fois excessive et… approximative. Observez ses
deux listes. Elles associent deux critères de natures très
différentes et dont un seul est explicite. Conséquence : le
bordel…
La
seconde (romain) regroupe « des expressions latines passées
dans le langage courant » et ne compte que des substantifs,
mais des substantifs dont le « degré de francisation »
est loin d’être identique. Personne ne s’amusera à composer
« référendum », « visa » ou
« minus » en ital… mais « minus
habens » ? Quant à l’entrée de « exequatur »
dans le langage courant…
La
première (italique) regrouperait des « locutions latines non
francisées ». Soit, mais… en français, elle regroupe des
locutions (ad hoc, in extenso) et, surprise, deux
substantifs (modus vivendi, statu quo)… Ce qui nous
amène à « a priori » (qui est à la fois une locution et
un substantif) et au Cons. sup. de la française langue… […]
État
des lieux…
Sont
indiscutablement corrects : a priori, un a priori (en ital ou
en romain, les deux sont défendables…).
Devrait
être admis comme correct : à priori (en romain… mais que
devient le substantif ?). À la rigueur (Cons. sup…), mais
autant oublier : un apriori (en romain… mais que devient la
locution ?) Dans le Banc d’essai nous avons droit à
« apriori » et à « à postériori »…
Il
serait si simple de former un beau couple (en romain), « à
priori, un à-priori », sur le modèle de « à propos, un
à-propos », « à peu près, un à-peu-près », « à
pic, un à-pic ». Hélas, le trait d’union n’est pas en odeur
de sainteté chez les rectificateurs phobiques, dont l’une des
manies me semble être la démotivation du lexique. On me dira… que
deviendraient « apriorisme » et les très utiles (pour
ceux qui renoncent aux beautés des locutions adjectives…)
« apriorique » et « aprioriste » ?
Facile : « à-priorisme », etc. Facile, mais, à vue
de nez, pas pour demain…
B.
LOMBART :
Séduisant, mais l’accent fait perdre ici l’étymologie…
Oui,
et ce n’est pas un mal…
B.
LOMBART : …
ou plutôt introduit une étymologie erronée… (« a »
et « ad » ont des sens contraires…).
En
latin. Ici, en « latin du XVIIe »…
En français, je suis prêt à vous parier un paquet de Gitanes sans
filtre qu’au bas mot et à vue de nez 99 % des locuteurs
perçoivent ce « a » comme notre préposition
« à »… Ils ont bien entendu tort, mais je ne leur donne
pas tort…
B.
LOMBART :
Bref, je trouve votre argument analogique un peu voyou.
Ma
jeunesse me rattrape…
D.
LIÉGEOIS :
C’est un a priori qui tomberait peut-être si seulement les gens
songeaient plus souvent à l’immense intérêt du raisonnement ab
absurdo.
Il
serait encore plus facile de le faire tomber avec un raisonnement
a contrario… car ici la pose subreptice d’un accent grave
serait grotesque, contresensique, n’ayons pas peur des mots,
crapuleuse… Mais faut-il le faire tomber ?
A
contrario est une locution dont l’emploi justifié — oublions
ceux qui en font un synonyme chicos de « au contraire »…
— est rare, spécialisé, quasi jargonnesque. Et dont le caractère
« latin » ou, au minimum, « non français pur
sucre » est une évidence pour tous ceux (ou presque…) qui
l’emploient, le lisent ou l’entendent.
Ce
n’est évidemment pas le cas de « a priori », qui est une
locution et un substantif très couramment employés en français.
Pour la plupart des locuteurs d’aujourd’hui, « a
priori »… c’est « du français » (ils ont raison),
certainement pas « du latin » (ils se gourent, mais,
franchement, quelle importance ?). Pour eux, le sens est
évident, ici, « a = à », comme dans « à
l’avance », et ça fonctionne très bien, en français… Dire
qu’ils font un contresens n’aurait dès lors guère de sens.
II.
A posteriori :
un médium, des médias…
À
France-Langue, le 8 octobre 1997.
H.
LANDROIT : Je
voulais simplement faire remarquer que la nouvelle orthographe
propose effectivement « multimédia » et
« multimédias » ainsi que « apriori » et
« aprioris » du moins lorsqu’ils sont utilisés comme
noms.
Hum…
« Multimédias » est parfait et doit être adopté avec
enthousiasme ! mais « apriori » (substantif) est si
discutable qu’il n’a pas encore été adopté par les lexicographes (Larousse,
Robert).
À
F.L.L.F., le 23 mars 2000.
J.-V.
GRUAT :
… média, hélas, comme déjà suggéré. Hélas, car il s’agit d’une
barbarie linguistique.
Barbarie ?
Que non ! Il s’agit d’une belle francisation d’un pénible
anglo-latinisme, bref, d’une manifestation de la plus haute
culture ! Laissez les langues mortes enterrer leurs morts.
Un
média, des médias.
Un
médium, des médiums.
Latitude,
longitude
Point cardinal
Texte
accompagnant une illustration (dessin, photographie, etc.) ou un
tableau.
Liste
explicative des signes conventionnels employés sur un plan, une
carte, un tableau.
À
Typographie, le 16 juillet 1999.
J.
ANDRÉ :
On dit souvent que les légendes des figures se mettent sous
celles-ci alors que celles des tableaux se mettent au-dessus.
Es-tu
certain de ne pas confondre titre et légende externe ? Une
légende (externe) de figure se place où l’on veut, en haut, en
bas, à droite, à gauche, selon la nature de la mise en pages, mais
il est vrai que c’est en bas que se situe généralement son
meilleur emplacement. Un titre de tableau (non
« graphique ») se place en haut, comme tous les titres…
L’éventuelle légende externe se situe sous le tableau. Bien
entendu, il y a des cas particuliers (titre suivi
« organiquement » d’une légende externe…) qui rendent
parfois impossible une nette distinction entre titre et légende
externe…
Légion Armée.
La
Légion arabe, la Légion étrangère, la Légion.
La
Légion d’honneur, l’ordre de la Légion d’honneur.
La
légion Condor.
Lettres
courtes : a c e m n o r s u v w x z.
Lettres
longues du haut : b d f h i k l t.
Lettres
longues du bas : g p q y.
Lettres
longues du haut et du bas : j f.
Les
capitales, à l’exception de certains J et de la plupart des Q, ont
une hauteur unique :
Dissymétrie
des caractères
À
Typographie, le 8 février 1998.
La
symétrie n’est pas une qualité typographique… on ne la rencontre
que dans la mise en pages (pages en regard, grands titres *)
et dans des linéales extrémistes… Pour le reste, c’est-à-dire
l’essentiel, elle est heureusement absente… et quand elle se
présente, on fait tout pour l’éliminer… Non sans raison.
*
Ou dans les inscriptions lapidaires, sur les pierres tombales ou
les monuments… ou, comme de bien entendu, dans les typographies
architecturales (colophons…), morbides (dédicaces pompeuses…),
ludiques (calligrammes) ou nulles (cartes de visite, menus de
première communion…).
Dans
la plupart des polices en romain, les lettres prétendument
symétriques (A H I M O T U V W X Y,
i o uv w x)
le sont rarement (I, éventuellement O), sauf à n’y voir que des
squelettes… Des générations de graveurs ont insufflé la vie à ces
formes. Seuls quelques signes échappent à la dissymétrie
vivifiante (point, point d’exclamation, points de suspension,
astérisque, tiret, plus, moins, etc.). Beaucoup peuvent être
considérés comme des « arrêts », des pauses dans le
mouvement général du Verbe… D’autant que notre obèle (croix
mortuaire) appartient aussi au club très fermé des signes
parfaitement symétriques. Ce n’est sans doute pas un hasard…
La
typographie n’est pas l’architecture (sauf, encore une fois, dans
la mise en pages), elle n’organise pas l’immobilité mais le
mouvement, celui de la lecture, qui a un sens… La dissymétrie
subtile (et non l’asymétrie, faut rien exagérer…) est
indispensable, sauf pour ceux qui confondent les lettres, les mots
et les phrases avec des images (encore que les plus belles ne
soient pas symétriques)… Ils sont hélas nombreux de nos jours…
Lettrine Alinéa, Madame, mademoiselle, monsieur.
Naguère, ce mot désignait soit une lettre italique servant de
renvoi ou d’appel de note, soit une lettre ornée, placée au
commencement d’un chapitre (édition) ou d’un article (presse), à
l’imitation des lettres capitulaires des manuscrits enluminés.
Dans le même emploi, les lettres non ornées étaient des initiales
(caractères sans bas de casse), des lettres montantes (alignées
sur la première ligne) ou des lettres de deux points (initiales
sans talus, alignées sur la deuxième ligne et ayant une force de
corps double de celle du caractère employé, ce qui évitait le
parangonnage).
Aujourd’hui,
on appelle lettrine toute lettre d’un corps supérieur à celui du
texte courant, placée au commencement d’un chapitre (édition),
d’un article, voire d’un paragraphe (presse).
I.
Lettrines et guillemets
À
Fr.Comp.Pao, F.L.LF., le 24 juillet 2000.
Qu’est-ce
qu’une « lettrine » ? Une lettre. Grande
découverte… La tradition, qui n’a pas toujours tort, est de
composer tous les signes qui précèdent et suivent la lettrine
(habillée) dans le corps du texte (sans oublier les petites caps
des signes qui la suivent).
Vous
me direz, la tradition, on n’en a rien à branler. Oc, oc, mais
alors pourquoi employer des lettrines, formes traditionnelles s’il
en est ? Pour jouer avec la tradition, la détourner,
l’enrichir et toutes ces sortes de choses passionnantes ?
D’accord, mais avant de jouer, mieux vaut connaître les règles du
jeu.
Si
vous dites « guille ouvrant dans le corps de la lettrine
parce que c’est plus chouette », que ferez-vous, pour rester
cohérent et fidèle à votre parti « esthétique », avec un
tel début de chapitre : « … C’est la sueur des
sèves en exil », écrit Saint-John Perse dans Images à
Crusoé ? Guillemet ouvrant, espace, points de suspension,
espace, C cap et apostrophe dans le corps de la lettrine ?
Il
est vrai que l’exemple est vicieux et que l’on n’a pas tous les
jours l’occasion de composer des textes où l’on cite Saint-John
Perse et ses points de suspension initiaux, ce qui est bien
dommage. C’était juste pour illustrer le propos… Plutôt que de se
demander : qu’est-ce que je fous avec les guillemets ou
l’apostrophe en contact avec une lettrine (comme si c’étaient les
seuls cas particuliers…), mieux vaut s’interroger sur le statut
des lettrines et sur les raisons qui nous poussent à les utiliser,
le plus souvent n’importe comment et n’importe où…
Le
monde réel malmène les grands principes, c’est ce qui fait une
partie de son charme. Je ne tiens pas mes comptes à jour, mais
disons qu’une fois sur deux je ne peux obtenir des maquettistes
qu’ils composent correctement les lettrines. « Trop
compliqué ! Les logiciels de mise en pages ont une “gestion”
rustique des lettrines ! » Parfois, j’insiste, parfois
non (il est des cas désespérés où se vérifie l’adage selon lequel
le mieux est l’ennemi du bien…). Selon les cas et d’après mes
performances personnelles, de trente secondes à deux minutes pour
régler finement chaque lettrine ne me semblent pourtant pas des
temps rédhibitoires, sauf si l’on s’amuse à foutre des lettrines
partout… mais, à dire vrai, tout cela n’a guère d’importance…
II.
Petites capitales,
débord à gauche, etc.
À
Typographie, le 9 novembre 1999.
J.
ANDRÉ :
Je viens de voir que ton ami Perrousseaux en parle en quatre
pages bien illustrées dans son Mise en page et impression,
et ce qu’il y raconte me va fort bien !
Pas
à moi… […]
Un
exemple… Pour « justifier » son parti (pas de retrait au
premier paragraphe), il ose écrire ceci : « Il provient
de l’écriture manuscrite des secrétariats d’avant les machines à
écrire, du temps où l’on était “employé aux écritures”. La
dactylographie a suivi, ce qui se comprend. À ne pas faire en
typographie. »
Alors…
de deux choses l’une… soit il n’a jamais ouvert un livre antérieur
aux temps qu’il évoque, soit il raconte sciemment n’importe quoi.
Je vais te dire… Y en a marre de ces explications à la
mords-moi-le-nœud… Dès qu’on ne comprend pas une caractéristique
typographique, miracle, c’est la faute aux secrétaires ! Et
si ce n’est toi, c’est donc ton père, le gratte-papier ! Bon
sang ! mais c’est bien sûr ! Les compositeurs sont
formés chez Pigier depuis plusieurs siècles ! (Prière de ne
pas me renvoyer dans le nez l’influence considérable des copistes
sur les premiers typographes, cela n’a rien à voir et cela n’est
pas ce que Perrousseaux croit pouvoir dénoncer ici.)
Tiens,
une autre, pas piquée des vers : « Ce qui veut dire que
le premier paragraphe (qu’il soit orné d’une lettrine ou non)
débute justifié à gauche car il n’offre aucune ambiguïté de
compréhension. » Elle est bonne… Sûr et certain, le lecteur
n’est pas con au point de ne pas reconnaître le premier
paragraphe. Si on lui offre parfois une lettrine, c’est sans doute
que l’on craint de tomber sur un quidam particulièrement borné ou
inattentif… Ah ! j’oubliais, une lettrine… c’est pour faire
joli…
Alors,
supprimons la majuscule initiale des premiers paragraphes !
Pas d’ambiguïté ! On n’est pas idiots ! On voit bien,
oui, très distinctement même, qu’il n’y a pas de phrase avant la
première phrase… À pleurer.
À
Typographie, le 3 décembre 1999.
O.
RANDIER :
S’il n’y a pas de lettrine, il n’y a pas lieu d’utiliser les
petites capitales dans ce cas.
Pas
tout à fait d’accord. La (bonne) typographie anglaise ne se prive
pas de cette possibilité. Elle a bien raison.
O.
RANDIER : La
fonction (?) des petites caps est d’assurer une transition
visuelle entre la lettrine en grande cap et la suite du texte
en bas de casse.
C’est
exact, mais en l’absence de lettrine rien n’interdit de continuer
à faire jouer aux petites caps un de leurs rôles, celui de seuil
solennel, d’entrée majestueuse (ou d’hôtesses d’accueil…). Leur
intervention suffit à donner à la grande cap
« ordinaire » qui les précède un air de lettrine.
O.
RANDIER : Et
pourquoi ne pas mettre d’alinéa au premier paragraphe ?
Précisément…
cette pratique n’a de sens que dans les premiers paragraphes sans
retrait d’alinéa. Sinon, tu as raison, ce serait complètement
débile.
À
Typographie, le 5 novembre 2000.
A.
HURTIG :
Lettrines, petites et grandes capitales : c’est la
deuxième fois que j’utilise un système découvert dans un
ouvrage du XVIIe
ou XVIIIe
siècle : après la lettrine, mettre une grande capitale
puis continuer avec des petites capitales le mot ou le groupe
de mots qui suivent.
Tu
veux une caution ? Voici ce qu’écrit Fertel (1723) :
« La Lettre qui suit immédiatement la Lettre de deux
points, doit être de grande capitale, & le reste du mot
en bas de Casse, & pour un plus bel ornement, on peut le faire
de petit capital. » Le plus souvent, Fertel applique à la
lettre son conseil.
A.
HURTIG : Il
semble que ça a été une pratique très courante, peu à peu
tombée en désuétude.
Oui,
heureusement tombée en désuétude… Les petites caps suffisent
amplement…
A.
HURTIG : Je
trouve ça joli et marrant.
Je
trouve ça ignoble et consternant !
A.
HURTIG : Ça
fait enrager (je ne sais pas pourquoi) certains de mes
copains, participants de la liste Typographie.
Probablement
parce que tes copains ont bon goût…
A.
HURTIG : Je
remercie Jean-Pierre Lacroux, qui réprouve le procédé, de
m’avoir amicalement fourni la citation de Fertel.
À
F.L.L.F., le 14 janvier 2002.
M.
GUILLOU :
Pour revenir un instant sur ton commentaire, tu signales
l’alignement de la lettrine à gauche avec les pointes des
empattements qui auraient pu être en marge.
Pas
« pu », « dû »… Légèrement, s’entend.
À
Typographie, le 13 janvier 2002.
A.
HURTIG :
Le Monde d’hier daté d’aujourd’hui consacre un long dossier
à sa nouvelle formule.
Dès
le premier paragraphe, les ravages du typographisme et de
l’inculture typographique sont patents. Belle collection
d’horreurs qui pourrait être utile dans un cours pour débutants.
L’hypertrophie
de la lettrine — quelle beauté ! elle occupe visuellement la
moitié de la justif, de l’étroite justif ! Sens des
proportions harmonieuses ! — engendre bien des joyeusetés.
Passons
sur le fait que la pointe de ses empattements est en retrait au
lieu d’être en léger débord, passons sur le fait (aujourd’hui
fréquent) que la première ligne est dans l’alignement des
suivantes et admirons les deux coupes successives devant une
syllabe muette finale (la seconde est une cumularde :
« xe », c’est du grand art !), admirons surtout que
cette audace dans les coupes se soit arrêtée devant
« retrouverez »… afin de sauvegarder la belle
expressivité du petit blanc qui sépare « que » de
« vous ».
Pour
les plus typographes d’entre nous, restent des subtilités comme
l’interlettrage très savant de « a f f i r mation »… Les
mecs qui composent le français sur une justif réduite
volontairement à quinze signes par ligne sont indubitablement
géniaux.
Lézarde Gris.
Rencontre
fortuite de plusieurs espaces-mots situées sur des lignes
successives. Il se forme alors une ligne blanche, verticale ou
oblique, sinueuse ou rectiligne. Des espaces-mots fortes,
associées à des valeurs d’interlignage et d’approche faibles,
nulles ou négatives, favorisent l’apparition de ces balafres et
accentuent leur effet désastreux.
On
dit également : coup de sabre, rue, cheminée (ligne quasi
verticale et quasi rectiligne).
Des
lézardes volontaires
À
Typographie, le 6 octobre 1998.
Cher
A. H., […] tu as écrit : « Je laisse les lézardes en
place, trop content quand elles sont belles et grandes, et que le
regard dégouline dedans. » Très intéressant ! À ma
connaissance (il est vrai limitée), les lézardes, ruelles et
autres cheminées sont peu exploitées. Quelqu’un connaît-il des
exemples d’immenses lézardes volontaires ? Pas trop
anecdotiques, plutôt dans le genre abstraction lyrique… Tu vois ce
que je veux dire ? Des pavés dont la couleur (la robe ?)
serait plus proche de celle du zèbre (du tigre, voire plus
modestement de l’okapi) que de celle de l’âne gris ou du
chartreux…
T.
BOUCHE :
En restant très anecdotique, je suppose que les livres
cuttérisés de Vachey ne répondent pas vraiment à ta question…
Mais, que dire des pavés lacérés ou estropiés de Fuzzy sets
de Claude Ollier ?
Y
a pas de lézard(e).
T.
BOUCHE :
Sinon je réalisais récemment à quel point mes lectures de
jeunesse (essentiellement le Livre de poche, je présume)
avaient été guidées par ses coulures, et à quel point elles
étaient fréquentes.
…
Mais tristement involontaires… Moi, je cherche du reptile
maîtrisé, domestiqué ! (Saurie, J. A., pour cet humour de
café.) Problème technique… Seul un
« auteur-compositeur » peut obtenir une belle lézarde
expressive, à la fois volontaire et typographiquement
« plausible ».
T.
BOUCHE :
On a beau critiquer l’informatique, il me semble que la
situation s’est améliorée au point de provoquer ce désir
(pervers, forcément pervers, j’y insiste !) de lézardes
chez d’aucuns.
Cette
nostalgie de l’accident n’épargne personne, pas même les
dessinateurs de caractères.
C’est
là que réside la grande perversité… S’il est vrai (à mon sens…)
que l’évolution des techniques (compo, impression, papier, etc.)
engendre des documents plats, sans saveur, peu sensuels,
tristounets, aseptisés (du moins pour les vieux connards comme moi
qui en sont encore, certains soirs, à regretter de subtils
foulages ou des lignes à l’occasion dansantes…), je ne crois pas
que la vie soit à chercher en priorité dans les accidents d’hier…
J.
ANDRÉ :
Il y en a une de splendide, c’est celle que Richaudeau montre
dans son bouquin Manuel de typographie et de mise en page
(p. 129) où il a manifestement pris un texte quelconque et
où il a forcé des blancs à y apparaître pour former une lézarde
tellement grossière qu’évidemment personne n’est dupe, qu’elle
n’est pas « plausible », comme tu dis !
Oui…
cette lézarde n’en est pas une… c’est une pitrerie, une
supercherie pour gogos.
Elle
est néanmoins intéressante… puisqu’elle témoigne de la difficulté
(pour qui ne souhaite pas en faire trop…) d’obtenir aujourd’hui
une vraie lézarde (avec une police à chasse proportionnelle et un
logiciel qui impose ligne à ligne ses calculs de l’espace
justifiante)…
J.
ANDRÉ :
Mais en forçant effectivement un texte, on pourrait faire
plein de lézardes, faire un zèbre par exemple !
Oui,
mais c’est pas d’jeu… Ce que la remarque d’Alain H. m’a donné
l’envie de débusquer, c’est une belle balafre volontaire et, comme
tu l’as noté, « typographiquement plausible »,
c’est-à-dire constituée d’espaces « correctes »… Une
sorte de signature de Zorro, une fissure inquiétante, une crevasse
qui déchire intégralement ou partiellement le pavé avec naturel,
sans raideur mécanique… C’est probablement plus un problème
d’écriture que de compo.
Ligature
Accentuation,
Crénage.
D’autres
pénibles rencontres n’ont jamais engendré de ligature (Gutenberg
1995). C’est par exemple le cas du couple
fî…
Jadis, on jetait une espace d’un point entre ces deux lettres.
Rien n’interdit de perpétuer cette saine pratique.
I.
Digrammes (a-e, O-E, IJ, ch…)
et « ligatures soudées »
À
Typographie, le 31 août 1998.
B.
LERAILLEZ :
Donc, pour les digrammes…
Un
peu de pinaillage…
Digramme :
deux lettres pour un seul son… Les ligatures
et
sont effectivement des « digrammes », mais je crois
qu’il faut employer ce terme avec prudence et éviter de mélanger
les « plans ».
D’abord,
comme vous le faites, il faut toujours préciser « digramme
soudé »… car, par exemple, dans fleur il y a
éventuellement une ligature
mais il y a nécessairement un digramme (non soudé…) : eu…
Ensuite,
dans œufs, il y a une ligature (ou digramme soudé…) ,
mais il y a aussi un pentagramme…
Enfin…
et surtout… prenez une police comme le Poetica : vous y
trouverez une ligature Ch : …
or, cette ligature est également un digramme… donc, ici, un
digramme « soudé »…
Voilà
pourquoi je préfère la distinction traditionnelle entre ligatures
« linguistiques ou orthographiques » (œ, æ) et
ligatures « esthétiques ou typographiques » (,
,
, etc.).
(On
pourrait ajouter un autre fait… qui ne concerne pas les ligatures
françaises : en néerlandais, ij est une ligature
« linguistique »… or, ce n’est pas un digramme…)
À
F.L.L.F., le 31 août 2000.
F.
MOLINA :
Dans d’autres langues — et peut-être aussi en français— on
distingue les ligatures esthétiques (par exemple fi).
,
,
,
,
sont des ligatures techniques, motivées par le crénage (au
sens précis de ce terme en composition chaude). Les critères
esthétiques n’expliquent rien ici.
En
revanche,
est une ligature « esthétique ».
F.
MOLINA :
Et les digraphes, ou digrammes (en anglais) tels que ,
;
en Italie on préfère dire monogramme, comme pour les initiales,
ce qui semble plus approprié : en français le digramme est
le groupe de deux lettres transcrivant un seul son, tel
« ou » pour u.
C’est
pourquoi, dans mon jargon imprécis,
et
sont des « digrammes soudés » ou des ligatures
orthographiques. Jacques André et Yannis Haralambous parlent aussi
de ligatures linguistiques, mais ce qualificatif me pompe l’air…
J.
ANDRÉ :
Mais je ne sais pas si ce que tu appelles ligatures
orthographiques montre bien la spécificité d’une langue donnée…
(
français,
néerlandais,
breton, etc.).
À
mon sens, le
néerlandais n’est pas un véritable digramme (deux lettres, certes,
mais aussi deux sons)… et — navré pour cette coordination absurde,
mais elle me fait rire… — il n’est pas soudé… du moins
physiquement (car si « soudé » est compris comme
« insécable » ou « composé de deux signes
inséparables », tous les digrammes sont
« soudés »…). Ce n’est donc pas davantage une ligature,
au sens strict et typographique du terme. Sa particularité est
pourtant de réagir comme un digramme soudé en tête des noms
propres : dipe
dans l’sselmeer.
C’est une bizarrerie charmante, je l’aime bien.
Quant
au
et au
bretons… je te fais confiance ! mais, là encore, je ne vois
pas pourquoi il faudrait les appeler « ligatures ».
À
F.L.L.F., le 1er décembre 2000.
T.
BOUCHE : D’où
le barbarisme inventé par l’ISO (« digramme
soudé »).
Ce
n’est pas un barbarisme, mais une expression épatante, très
claire, que j’emploie avec plaisir et conviction… ,
sont à la fois des ligatures et des digrammes. D’où l’excellente
idée de les nommer, à l’occasion, « digrammes soudés »,
histoire de faire d’une pierre deux coups.
« Ligature »
décrit le lien graphique, la soudure physique, mais toutes les
ligatures ne sont pas des digrammes (…),
et la quasi-totalité des digrammes ne sont pas des ligatures (ph,
on, an, in, ou, etc.).
T.
BOUCHE : Il
existe des digrammes dessoudés dans d’autres langues…
Ce
qui n’a jamais été soudé n’a pas à être dessoudé…
T.
BOUCHE :
… où ils se comportent comme une lettre unique (impossible de
les diviser en fin de ligne, p. ex.) :
en flamand,
en espagnol, etc.
Aucun
digramme, quelle que soit sa nature, ne peut être divisé en fin de
ligne… Le
français n’est pas plus divisible que ses confrères… Quant au
néerlandais, c’est une ligature, mais ce n’est pas un digramme…
T.
BOUCHE :
Pourquoi pas liés ou ligaturés, alors ?
« Lié »,
je n’aime pas trop, mais « ligaturé » est très
bien !
T.
BOUCHE :
J’entrevois ce que tu veux dire :
est une diphtongue, c’est ça ?
À
proprement parler, non, car il y a une semi-consonne dans le coup…
Va pour une « sorte de diphtongue »…
T.
BOUCHE :
Mais est-ce vraiment une ligature, puisque rien ne lie i
et j…
Alors… ?
Alors…
cette étrange chose, qui n’est ni un digramme ni une honnête
ligature, réagit comme un digramme ligaturé ( > )…
Alors… puisque ce n’est certainement pas un digramme, autant
l’appeler ligature… c’est moins faux… c’est même quasiment vrai…
II.
Ligatures esthétiques,
ligatures techniques
À
Typographie, du 27 au 28 mai 1998.
A.
HURTIG :
Mon fils Martin (huit ans) a inventé ce matin « une
nouvelle lettre ». Il s’agit de ligaturer le F et
le L… Remarque : les capitales se ligaturent peu,
voire pas du tout, et on se demande pourquoi (à l’exception des
ligatures linguistiques, of course).
À
mon avis, en compo ordinaire, deux caps qui se suivent, c’est
plutôt rare, sauf dans les acronymes, les salauds, et, surtout,
sauf si on compose en tout cap et alors là, y a intérêt à pouvoir
jouer un peu sur l’interlettrage, par conséquent, des ligatures
non linguistiques limiteraient la marge de manœuvre. Le problème
se pose moins avec les petites caps.
A.
HURTIG :
On voit que des ligatures intelligentes sur les capitales
donnent une vie au mot, les lettres se croisent,
s’entrechoquent, se marient. On dirait presque de la
calligraphie, et si le dessin est intelligemment fait, l’œil se
met à voler au-dessus de la ligne, rendant la lecture très
agréable (et mystérieuse en même temps).
Oui…
on dirait presque de la calligraphie… et c’est sans doute pour
cela que je ne suis pas vraiment preneur… Attention !
j’exprime juste mon goût… je ne tiens pas à lancer un débat sur
les relations entre calligraphie et typographie, encore moins sur
la nostalgie…
Si,
juste un mot.
Parmi
les polices modernes qui disposent d’un grand nombre de capitales
ligaturées figurent les linéales géométriques, par exemple
l’Avant-Garde (et ses divers clones). Faut bien compenser :
quand on déshabille les caps, faut bien restituer un peu de
chaleur.
A.
HURTIG :
Évidemment, ça ne peut être utilisé que pour un slogan, une
couverture de livre, une affiche, bref de la typo artistique
(ou se voulant telle).
C’est
pourquoi je parlais de compo « ordinaire ». Les compos
« graphiques », c’est une autre affaire. Ici, on peut
ligaturer à tour de bras. On peut même composer une page de titre
ou une affiche comme une succession de logotypes, voire comme un
unique logotype. C’est sans doute encore de la typographie mais ce
n’est plus exactement de la composition typographique.
T.
BOUCHE : Pas
d’accord (ouf !). Le plomb est mort (même la distinction
photocompo/phototitrage), il y a un continuum entre la typo
d’affiche et celle de texte : jusqu’à quel point un
texte, pour être bien composé, ne devrait-il pas être une
vaste ligature ?
Que
le plomb soit mort en tant que technique, c’est sûr. Pour autant,
son héritage est là, considérable, massif, difficilement
ébranlable dans son ensemble. On peut l’égratigner sur ses marges,
le réduire ou le modifier peu à peu, c’est souhaitable, et il
serait dramatique de considérer que les techniques nouvelles
n’introduisent pas des possibilités nouvelles… mais je crois qu’il
est abusif de considérer que l’absence de lien entre les lettres
nous a été imposée par le plomb…
Ça
remonte plus haut, ça remonte même à la naissance de l’alphabet.
Ce n’est pas le plomb qui a séparé les lettres, je crois même que
c’est l’inverse : c’est parce qu’elles étaient séparées qu’un
Strasbourgeois né à Mayence a inventé les caractères mobiles en
métal… L’écriture a évidemment très tôt engendré des ligatures, la
main la plus précise a parfois besoin de confort, il est normal
qu’elle se laisse aller à son propre mouvement, mais est-il prouvé
que l’œil y gagne quelque chose ?
Sans
surestimer le risque de régression (je n’y crois guère…), il est
légitime de penser qu’il y a une petite contradiction entre la
géniale invention de l’alphabet et la liaison à outrance, ou, si
l’on veut… entre la lettre et le logotype généralisé…
T.
BOUCHE :
Je tiens tout de même à préciser que, quand j’ai parlé de
ligature (généralisée), je ne pensais pas forcément à des
liaisons de lettres, mais à des combinaisons spécifiques de
lettres. Ma réflexion portait sur la micro-typo : un
logotype est bien souvent simplement un mot composé d’une façon
et d’une seule (police, graisse, espacement), il n’y a pas nécessairement
modification de la forme des lettres […], et encore moins de
ligatures au sens de liaisons cursives.
Bref,
je voulais dire que, pour améliorer insensiblement la qualité (et
l’invisibilité) d’une page de texte, on peut imaginer que le
contexte influe sur la forme et l’espacement de chaque lettre
différemment à chaque occurrence de cette lettre, la page entière
réagissant de façon dynamique à son contenu, pas seulement comme
de nos jours deux lettres consécutives. […]
Je
ne désire donc pas revenir à une écriture manuscrite cursive
simulée et illisible, mais plutôt aller au-delà de Gutenberg (qui,
soit dit en passant, utilisait beaucoup de ligatures
préfabriquées, de chasses variables, qui lui permettaient dans une
certaine mesure de justifier par les noirs).
Pas
moins que la précédente… mais, comme elle ne dit pas la même chose
(les ligatures ont cédé du terrain à l’approche…), il se trouve
que cette fois je suis d’accord avec ce que tu viens d’écrire…
À
F.L.L.F., le 1er décembre 2000.
J.
ANDRÉ :
C’est amusant : si on regarde le cousin (germain ou
latin ?) de ,
le
qui a droit à Iso Latin-1, on ne parle jamais, à ma
connaissance, de a dans l’e, ni du contraire.
« L,
a, e dans l’a, t, i, t, i, a… »
J.
ANDRÉ :
Essayez de coller (ligaturer ?) A et E pour
faire la ligature capitale Æ, ça colle pas
vraiment !
Comprends
pas… Une ligature impose presque toujours une déformation, une
modification du dessin (ton exemple du
est parfois valide en caps, non en b. d. c…). Prends un
f et un i, rapproche-les… tu n’auras pas une ligature, mais une
approche foireuse… Je ne vois donc pas où est la spécificité du …
Ligne creuse Cadratin.
Ligne
creuse : ligne qui n’emplit pas entièrement la
justification.
Ligne
perdue : ligne de texte placée entre deux lignes de
blanc.
Ligne
pleine : ligne qui occupe toute la justification.
Ligne
pointée : ligne formée de points, destinée à remplacer
un passage omis.
Typographie
soignée
La
dernière ligne de chaque alinéa est le plus souvent creuse :
elle n’emplit pas entièrement la justification. Si le blanc
restant est inférieur au cadratin (carré blanc de la force du
corps), il est horriblement mesquin et perturbe l’alignement de
droite. Tous les typographes s’accordent sur ce point, non sur le
remède. Il faut chasser, mais où ? et pour obtenir
quoi ?
Le
plus simple consiste à jeter du blanc sur la seule dernière ligne,
afin de la rendre pleine. Avantage : aucune répercussion sur
la suite de la composition. Inconvénient : pour respecter une
règle, on en bafoue une autre… car la belle typographie n’admet
pas davantage les dernières lignes pleines en fin d’alinéa dans
les compositions en alinéa… En outre, si l’on est contraint de
jeter beaucoup de blanc, l’espacement de la dernière ligne ruinera
le gris typographique, conséquence plus désastreuse qu’un léger
défaut d’alignement à droite.
Il
faut donc chasser sur plusieurs lignes, afin de créer une nouvelle
ligne, franchement creuse, en priant pour que cette modification
n’entraîne pas de conséquences fâcheuses un peu plus loin.
Si
la chasse est infructueuse ou engendre un défaut d’espacement, on
peut éventuellement tenter de gagner sur plusieurs lignes afin de
raccourcir la dernière. Si à ce jeu l’on n’a rien à gagner, on se
rabattra sur la ligne pleine…
Veuves et
orphelines
La
typographie ne défend pas la veuve et l’orphelin.
Elle
les condamne vigoureusement.
Veuves et orphelines sont bien sûr admises dans les dialogues…
I.
Veuves du haut ou veuves du bas ?
À
Typographie, le 12 mai 1997.
T.
BOUCHE :
Pourquoi l’orphelin est-il un garçon et la veuve n’est pas un
veuf ? Les veuves ne sont-elles pas les femmes mariées qui
ont l’avenir le plus ouvert ?
Pour
orphan et widow, ça vient de leur traditionnelle
défense… D’ailleurs, en anglais, orphan désigne aussi bien
une orpheline (Little Orphan Annie…).
Chez
nous, puisqu’il s’agit de lignes, veuve et orpheline ont un très
bon genre… On imagine mal une ligne veuf ou orphelin.
À
Typographie, le 22 mai 1998.
J.
MELOT : Le
fait que le dernier mot — supposé court — ou la dernière
syllabe du dernier mot d’un alinéa se trouve renvoyé à la
ligne est largement de même nature (du point de vue de la
qualité de la mise en page), et pourrait être également
qualifié d’orphelin dàns un sens un peu élargi, à cela près
que dans ce cas il n’y a pas association à une notion de
veuve… Sauf, précisément, lorsqu’il se produit lors d’un
passage à la page suivante, auquel cas les deux notions se
confondent.
Justement
non… Vous confondez (comme le Ramat…) les lignes creuses,
les veuves et les orphelines… La notion de ligne creuse (qui
implique d’autres contraintes) recouvre partiellement celle de
ligne veuve mais certainement pas celle de ligne orpheline, qui,
dans le cas d’un début d’alinéa d’au moins deux lignes, est
nécessairement pleine (moins l’éventuel retrait d’alinéa…).
Pour
avoir au moins une ligne « fautive » (creuse ou non), il
faut des alinéas d’au moins deux lignes (qui peuvent engendrer le
top du fin du fin : une orpheline suivie d’une veuve…).
Une
brève ligne de dialogue, même très courte (un ou deux mots…), peut
se retrouver en tête ou en bas de page, elle ne sera pas pour
autant qualifiée de « veuve » ou
d’« orpheline ». Heureusement… Si l’on veut pousser un
peu le taxinomètre, on pourra diviser les deux espèces en deux
sous-espèces, les unes simplement non comestibles (orphelines
paires et veuves impaires), les autres vénéneuses, voire mortelles
(orphelines impaires, veuves paires)…
À
Typographie, du 31 mars au 23 avril 1999.
J.
ANDRÉ :
Le Webster se plante car il manque dans chaque
définition quelque chose comme : « That is alone on
the bottom/top of a page. »
Je
ne suis pas sûr qu’il se plante. Il dit en tout cas la même chose
que le Bringhurst… […]
1.
En français le féminin « orpheline » est une
évidence (ligne veuve, ligne orpheline).
2.
Même si les objections de J. Melot sont valides, l’adoption de ces
termes (avec des acceptions précises et fixes) n’est pas une
mauvaise idée… car ils sont déjà employés (par exemple dans les
logiciels) plus ou moins indistinctement. Nous aurions pu nous en
passer, mais il faut bien de temps en temps tenir compte de la
réalité : les veuves et les orphelines sont parmi nous…
autant ne pas trop troubler leurs sens.
3.
Puisque nous les adoptons, il est nécessaire de leur confier les
mêmes rôles qu’en anglais. Il n’est jamais sain de créer des
problèmes parfaitement inutiles.
4.
Je suis à peu près certain que la veuve est une ligne creuse en
haut de page (ou de colonne…) et que l’orpheline est la première
ligne d’un alinéa ou d’un paragraphe en bas de page (ou de
colonne). La veuve est généralement creuse (mais pas
nécessairement), l’orpheline a toutes les chances d’être pleine
(moins l’éventuel retrait d’alinéa)… Vulgaire, mais mnémo-nique.
P.
JALLON : Je
suggère qu’on interroge un très vieux prote, quelqu’un qui
aurait eu, dans un pays francophone, une très longue et
ancienne expérience… et qui serait encore suffisamment lucide
pour distinguer une veuve d’une orpheline (quoique à cet
âge-là, tout soit bon à prendre) !
Déterre
autant de fossiles que tu voudras : ils te répondront tous
qu’ils n’ont jamais entendu parler de veuves ni d’orphelines. Tu
vas te salir les mains pour rien.
P.
JALLON :
Ainsi pourrait-on s’en remettre à la mémoire (pas défaillante)
d’un ancien, plutôt qu’à des dicos anglophones qui, eux-mêmes,
n’ont pas l’air d’être d’accord entre eux…
Ils
ne sont pas si en désaccord que ça…
J.
FONTAINE :
Pour fins de comparaison, voici ce que dit le même Ramat dans
une édition ultérieure (le Ramat de la typographie, 3e
édition, 1997) : « Une ligne creuse ne doit jamais se
trouver au sommet d’une colonne ni d’une page. » « Une
veuve est un mot entier ou coupé qui se trouve seul sur une
ligne au sommet d’une colonne ou d’une page, ce qui est
inacceptable. Un orphelin est un mot entier ou coupé qui se
trouve seul sur une ligne au bas d’une colonne ou d’une page, ce
qui est également inacceptable. » On remarquera qu’il a
supprimé quelques mots de ses définitions antérieures.
Les
nouvelles définitions ne sont pas meilleures que les anciennes…
Elles ont néanmoins le mérite d’ajouter une voix au concert de
ceux qui voient la veuve en haut et l’orpheline en bas…
J.
FONTAINE :
Et voici ses définitions des lignes creuses et pleines :
« Une ligne creuse est une ligne plus courte que la
justification. Une ligne pleine est une ligne justifiée pleine
mesure. Une ligne creuse ne doit jamais se trouver au sommet
d’une colonne ni d’une page. »
Cela
n’a aucun sens ! Admettons que l’ellipse pour
« composition justifiée » soit légitime (sinon, il y
aurait beaucoup de choses amusantes à dire…), il faut n’avoir
jamais composé de dialogues pour oser écrire ça…
Pour
qu’il y ait une veuve (ou une orpheline), il faut avoir affaire à
un alinéa (ou à un paragraphe) qui compte au moins deux lignes…
Élémentaire, mon cher Watson.
Encore
quatre mots sur les veuves et les orphelines…
1.
J’ai l’impression (j’aimerais qu’elle soit confirmée par des
typographes anglophones) que les widows sont beaucoup plus
âgées que les orphans… ce qui pourrait expliquer certains
flottements. Il semblerait qu’à l’origine widow désignait
une ligne isolée et séparée de son alinéa, qu’elle soit en haut ou
en bas de page (ou de colonne). C’est pour distinguer les deux cas
que les orphans auraient été engendrées. (Cette acception
générique de widow est d’ailleurs celle du widow
control de certains logiciels.)
2.
J’ai trouvé un argument décisif en faveur des orphelines en
bas : le vert opuscule intitulé Mise en page et
impression les situe en haut.
3.
Ce qui m’ennuie (beaucoup), c’est que Paput dit la même chose.
4.
Je persisterai néanmoins à prétendre le contraire tant que
personne n’aura cité une source anglaise et digne de foi plaçant
(explicitement) les orphans en haut. Dites-moi si je me
goure, mais les seules qui s’y risquent franchement sont
françaises… alors qu’il y a d’estimables connaisseurs anglophones
qui nous disent sans ambages qu’elles sont en bas. Quitte à
traduire, autant le faire intelligemment.
J.
ANDRÉ : Bien
que j’aime beaucoup Paput, je ne vois pas en quoi il est ici
une référence : c’est un graveur de caractères, pas un
compositeur (même s’il s’y connaît quand même) !
Nous
sommes bien d’accord… J’ai dit que sa définition m’ennuyait pour
une raison bien simple : j’aurais aimé être d’accord avec
quelqu’un dont je respecte le travail (ce qui revient à dire que
j’aurais préféré qu’il ne se plantât pas…).
Puisque
nous sommes en plein recensement… voici un autre partisan de la
veuve en bas : Louis Guéry. Tu vois, je suis honnête, je
n’hésite pas à recruter pour le compte des adversaires de mon
camp…
J.-D.
RONDINET :
Faute d’unanimité, j’en resterai définitivement au français
« ligne creuse » (en tête et en pied).
T’oublies
qu’une orpheline (pour moi… donc une veuve pour d’autres) n’est
pas une ligne creuse…
Je
suis d’accord avec toi et Melot pour dire que l’on peut très bien
vivre sans jamais nommer ces lignes qui par définition ne
devraient pas survivre à la dernière épreuve…
Le
problème, c’est que tout le monde en parle… et que certains le
font après s’être offert une petite ligne, ce qui complique
diablement la situation. Même entre gens sains et de bonne
compagnie, comme ici, c’est le bordel, t’imagines dehors…
P.
JALLON :
Pourquoi faut-il absolument traduire ? Sommes-nous
donc incapables, nous autres francophones, de penser par
nous-mêmes, avec nos propres mots et nos propres concepts ?
Ta
bonne foi m’enchante.
Les
traducteurs improvisés sont à l’œuvre depuis longtemps. L’ennui,
c’est que, selon toute vraisemblance, certains ont traduit widow
par « orpheline »… et orphan par
« veuve ». Ah ! ils sont bons les francophones, ils
pensent par eux-mêmes !
Que
tu le veuilles ou non, ces termes sont employés dans les milieux
que nous fréquentons et leur sens n’est pas encore fixé. C’est de
ce constat qu’il faut partir et non de nos inclinations…
L’interrogation de Jean Fontaine n’est pas creuse, elle est
parfaitement justifiée. Si elle est récurrente, c’est bien qu’il y
a un problème, non ? Moi, je veux bien qu’une fois de plus
nous brisions là, ça reposera les muets que nos radotages
incommodent, mais alors engagez-vous à ne plus jamais écrire, à ne
plus jamais prononcer ces mots dont vous contestez l’existence
même.
Et
rendez-vous dans trois mois, dans un an, pour une nouvelle séance
(sans moi, autant te le dire tout de suite). Il serait plus malin
que les partisans de la veuve en bas sortent rapidement des
recrues de poids.
Pour
l’heure, et en gros, oui, très grossièrement, nous avons à gauche,
pour la veuve en haut, l’équipe Webster–Bringhurst… et à
droite, pour la veuve en bas, l’équipe Perrousseaux–Guéry. Je
crains qu’à moins de prompts renforts le match ne soit très
déséquilibré. Mais on ne sait jamais, une surprise est toujours
possible… J’dis ça… mais si un veuvedubassiste nous ramène une
dream team, j’aurai pas l’air con…
J.-M.
PARIS :
Selon le Chicago Manual of Style (13e édition,
1982, et 14e édition, 1993), une widow ne
saurait qu’être creuse (plus ou moins) et en haut de page.
« A widow, that is, a short line — one word or two or three
little ones (some say anything less than a full line) — at the
top of a page. » D’autre part, cette source ne fait aucune
référence à « orphan ».
Ça
ne s’arrange pas pour les veuvedubassistes…
J.
ANDRÉ : J’ai
reçu ça [d’Alan Marshall, directeur du musée de l’Imprimerie,
à Lyon] : Voici les quelques définitions que j’ai
trouvées chez moi.
René
Billoux,
Encyclopædia chronologique des arts graphiques, 1943. « Ligne
boîteuse : une queue d’alinéa lorsqu’à la mise en pages
elle tombe en tête de page. »
Kenneison
et Spilman,
Dictionary of Printing, Papermaking and Bookbinding, 1963.
« Widow : a single word, in a line by itself,
ending a paragraph at the top or bottom of a page. Break-line :
the last line of a paragraph. It should not begin a new
page. »
Ken
Garland,
Graphic, Design and Printing Terms, 1980. « Widow :
last line of typeset paragraph consisting of one word
only ; may be used by some to apply specifically to one
coming on the first line of a new column. Orphan : first
line of paragraph appearing at foot of page ; often
considered undesirable. Club line : short (because
indented) line at the beginning of paragraph appearing at the
foot of column. »
Selon
Hugh Williamson,
Methods of Book Design, de nombreuses éditions depuis plus de
quarante ans, la mienne date de 1983 […]. « Widow :
short line at head of page or column. » Le mot Orphan
ne figure pas dans l’index.
John
Miles, Design for Desktop Publishing, 1987. « Widow :
short line — the end of a paragraph — appearing at the top of a
page. » Le mot Orphan ne figure pas dans l’index.
Seybold
and Dressler,
Publishing from the Desktop, 1987. « Widow :
incomplete line that ends a paragraph appearing at the top of a
page. Orphan : a line that begins a new paragraph
at the very bottom of the page. »
Geoffrey
Glaister,
Encyclopædia of the Book, 1996 (1960). « Widow
line : a line of text set at the head of a page, e.g. the
concluding words of a paragraph. Fewer than three lines in this
position are considered bad setting. »
Une
nouvelle Berezina pour les veuvedubassistes.
II.
Justification des lignes creuses
À
Typographie, du 27 février au 4 mars 1998.
T.
BOUCHE :
Je regrette par exemple que la dernière ligne ne soit pas
automatiquement justifiée quand c’est possible.
A.
HURTIG :
Xpress fait ça, et de deux manières.
1.
Brutale : il existe un format de paragraphe « au
carré », dont chaque ligne est obligatoirement justifiée.
2.
Paramétrée : on déclare le nombre de millimètres maximum
au-delà duquel la justification de la dernière ligne ne doit
plus être faite.
T.
BOUCHE :
Justifier la dernière ligne du dernier paragraphe d’un chapitre
devait faire partie de l’honneur des typos d’antan : c’est
souvent superbe et virtuose à réaliser. Si le paragraphe se
termine par une ligne presque pleine, c’est désagréable pour
l’œil.
A.
HURTIG :
Je suis entièrement d’accord avec ça : ce n’est pas
toujours réalisable, mais je m’étonne que cette pratique se
perde, et même que l’œil
soit
si souvent « gâché » par la mauvaise P.A.O. que les
paragraphes pleins (dernière ligne justifiée) soient devenus peu
naturels et même gênants pour certains lecteurs…
Je
suis d’accord avec Thierry et Alain : rien n’est plus hideux
qu’une dernière ligne d’alinéa « presque pleine ». En
revanche, je ne partage pas leur enthousiasme pour les dernières
lignes pleines… Beaucoup de bons typographes d’antan les
considéraient comme des pis-aller. Il est vrai que d’autres, tout
aussi bons (et ayant bonne mémoire…), les aimaient à ce point
qu’ils bourraient les lignes creuses avec des vignettes…
Il
y a des degrés dans l’horreur… Pour une dernière ligne, le pire
c’est la mesquinerie : ligne creuse à peine supérieure au
retrait d’alinéa ou ligne « presque pleine ». La ligne
pleine est admissible, mais elle n’est pas souhaitable… Du moins
si l’on parle de composition en alinéa… L’idéal, c’est une ligne
nettement plus longue que le retrait d’alinéa et laissant à droite
un blanc nettement supérieur au retrait d’alinéa…
T.
BOUCHE :
Le sentiment d’achèvement que cela induit.
Ben
moi, ce sentiment me gêne… Pourquoi ? Tu l’expliques très
bien dans la suite de ton message :
T.
BOUCHE :
Ça participe de la fondamentale dissymétrie des formes
typographiques. Une phrase débute par une majuscule et s’achève
par un point. Un chapitre débute par un retrait d’alinéa (ou une
lettrine) et s’achève sur une ligne pleine. On s’aperçoit que
plus la typo est aux mains de graphistes, plus la
symétrie cherche à s’imposer (exemples archétypaux :
« Le roi lioN », mais aussi « le bon
usage »). Méfions-nous de la « raison
graphique » ! Préservons le déroulement de la pensée
(à sens) unique !
Oui !
mille fois oui ! Alors ne réintroduisons pas in extremis
le sentiment statique, donc morbide, de l’achèvement… Préservons
le déroulement dynamique, même après le point final. Prends les
plus grands romans… Leurs ultimes lignes souffriraient beaucoup
d’être pleines ! C’est encore plus vrai si les derniers
signes précèdent le néant… Inutile d’évoquer celles qui sont
inachevées… Quelle tristesse de buter bêtement sur la marge !
(Sauf à vouloir que cette particularité finale signifie
explicitement quelque chose…)
T.
BOUCHE :
Imaginons que Paradis (Sollers) ou Ulysse (pas
Homère, l’autre : « yes molly yes ») qui ne
finissent pas par un point donc éventuellement
pourraient prêter le flan à l’argumentation ci-dessus (oui le
flan : matière verbale flasque non ponctuée) s’achèvent sur
une ligne pleine. C’est idéal : le flot verbal interrompu
de façon arbitraire ! impossible de savoir s’il manque une
ligne ! impossible de savoir s’il en manque mille !
(même en regardant Paradis 2, hein) ça colle
terriblement au projet !
Quoi ?
What ? Ouarf ! Pour Paradis, que ça colle
horriblement à ton immonde projet zen, je n’y vois aucun
inconvénient… Mais Ulysse ! Y a pas de point
final ? Y en a un, et il est beau, car c’est le premier point
du dernier chapitre !
« et
oui j’ai dit oui je veux bien Oui. »
En
V.O. : « and yes I said yes I will Yes. »
Note
la cap du last Oui ou du dernier Yes… et le final point qui suit…
Il a besoin d’air, faut pas le coincer dans les cordes, contre la
marge.
III.
Extermination des veuves ! …
Liquidation des orphelines…
À
Typographie, le 4 juillet 1997.
J.
ANDRÉ :
Veuves et orphelines étant bannies de la typographie, j’aimerais
savoir comment faire, tant au plomb (froid ou chaud) qu’en
P.A.O. Ma question est en fait : « Quels sont les
degrés de liberté ? »
On
peut se tourner vers les bonnes vieilles méthodes draconiennes,
qui ont le charme désuet de l’évidence : les pages longues
et, surtout, courtes (une ligne de moins) exterminent allégrement
orphelines (éliminées par une page courte) et veuves (> page
longue). L’astuce consiste à mettre deux pages courtes (ou
longues…) en regard. D’accord, ce n’est pas terrible… mais ce
n’est pas pire que beaucoup de tripatouillages (du texte, de
l’interlignage, etc.).
Je
n’aurais pas dû envoyer ce message… Je pressens que je vais me
faire taper sur les doigts…
A.
HURTIG :
Comment justifier (c’est bien le cas de le dire) ce genre de
pratique ? […] Un empagement est calculé en fonction
d’une esthétique, d’un sentiment qu’on veut donner à la
lecture, du nombre de pages maximum qu’on accepte d’imprimer,
etc. Il détermine le gris typographique. Il ne dépend pas de
la fantaisie meurtrière d’un plan d’épuration du veuvage et
des orphelinats… Bref, ça me semble être un bien mauvais parti
que celui-là.
Peut-être
(sûrement, même)… mais c’est celui de plusieurs typographes
respectables, à commencer par Tschichold, comme le rappelle
Patrick Cazaux. Ce fut surtout une pratique courante. Je ne la
défends pas… je me contente de rappeler qu’elle a existé et que,
dans certains cas, elle est raisonnablement envisageable…
À
Typographie, du 12 au 13 janvier 1999.
A.
JOLY :
Enfin, le principal : respecter le registre sans engendrer
de veuves ni d’orphelines nécessite de faire appel à des
pratiques douteuses, ce qui est mauvais pour la santé.
Toutes
ne sont pas malsaines… Quelques coupures judicieuses… et, si c’est
insuffisant, une double « courte » (une ligne de moins).
Par
ailleurs, si le foulage a disparu, les papiers transparents sont
encore parmi nous…
A.
JOLY :
Sérieusement, et sans provocation, je ne pense pas qu’il
faille généraliser des « préconisations
typographiques ».
D’accord.
S’agissant de la nécessité du registre, un paramètre n’est pas à
négliger : le corps (et l’interlignage). En corps 6/7 ou en
corps 7/7,5… on peut oublier le registre sans complexe, même sur
papier transparent et même dans les compos en colonnes (ouvrir
n’importe quel dictionnaire…). Mais en corps 10/12 ?
À
Typographie, le 27 août 1999.
A.
HURTIG :
Je me souviens que Jean-Pierre Lacroux m’avait expliqué (c’était
au premier « dîner des typographes ») qu’on pouvait
gaillardement supprimer une ligne en bas d’une page, si ça
permettait de flinguer une veuve ou une orpheline.
Jamais
de la vie ! J’ai peut-être dit, après des dizaines d’autres
et non des moindres, que dans certaines circonstances l’on pouvait
accepter une double courte (ou longue, selon les besoins), ce qui
implique deux lignes.
Lisibilité Empattement.
Williams
1992 : « Les recherches ont établi que les
caractères à empattements étaient plus lisibles dans le texte
continu que les linéales. »
Richaudeau
1989 : « En particulier, il a été prouvé que
l’existence ou l’absence d’empattement (tels ce n
et ce n
n’avait pas d’influence sur la lisibilité des textes. »
[Ponctuation d’origine.]
Abréviation :
{liv.} (livre, livres).
Cette
abréviation est devenue la norme… Or, elle est doublement
défectueuse, voir : Abréviation
§ 3.2.4.
••
Le mot livre ne s’abrège que dans les notes, les annexes,
etc. Dans le texte courant, il ne s’abrège que dans les références
situées entre parenthèses.
Lefevre
1883.
Livre sacré Bible, Titre d’œuvre.
Joseph
Smith (1805-1844) publie en 1830 le Livre de Mormon. Sa
préface indique que : « La période couverte par les
annales du Livre de Mormon s’étend de 600 av. J.-C. à 421 apr.
J.-C. »
Lune
Astre