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« L’Exposition
de 37 ne pouvait pas être matériellement
un désastre aussi volumineux que Pearl Harbor. Mais
elle nous a fait à sa manière beaucoup de mal. »
Jules ROMAINS,
Examen de conscience des Français.
Dates
« ordinaires »
••
Nom du jour en lettres (minuscule initiale), quantième du mois en
chiffres arabes, nom du mois en lettres (minuscule initiale),
année en chiffres arabes : son chien est mort le vendredi 4
septembre 1992 ; Joseph de Maistre est né le 1er
avril 1753.
Hanse
1987, Impr.
nat. 1990.
•
Quantième du mois et année en lettres dans la poésie, les actes
notariés ou tout document dont la falsification serait
regrettable.
Le
vers libre admet sans peine l’exception à l’exception :
« En
l’an 1769 un forgeron
Se
fit sauter dans la redoute
De
la Porta do Mar. »
Alain
de GUELDRE,
« Être roi des ténèbres : une réfutation »,
Discours
sur ma mort dans les sables émouvants de la cité de Mazagan.
•••
Dans le corps du texte — quel qu’il soit —, on n’abrège jamais le
nom des mois.
Cette
règle s’applique à la correspondance… [En réponse à votre lettre
du 3-8-95] est par exemple un concentré d’entorses à la courtoisie
et à l’orthotypographie.
•
Exception : les tableaux composés en colonnes étroites :
4 sept. 1992. Abréviations : janv., févr., avr., juill.,
sept., oct., nov., déc. (mars, mai, juin et août ne peuvent être
abrégés). Dans les mêmes circonstances, les chiffres sont
également admissibles : 04-09-1992.
Impr.
nat. 1990.
Ramat
1994 {juil.}
À
l’exception de sam. et de dim., les abréviations traditionnelles
des noms de jours sont « théoriquement » fautives, car
la coupure s’effectue entre deux consonnes (lun., mar., mer.) ou
après une voyelle (jeu.). Comme elles sont parfaitement
compréhensibles et d’un emploi très limité, on les absoudra
volontiers.
¶
Dans les fichiers informatiques où les dates sont utilisées dans
des procédures de tri, l’emploi des chiffres n’est bien sûr pas
soumis aux mêmes restrictions. Toutefois, les programmeurs (ou les
traducteurs) feignent trop souvent d’oublier qu’il est facile de
proposer parallèlement à l’utilisateur un affichage
« orthotypographiquement correct » des dates.
Remarques
diverses
Le
1er février, le 2 mars, le 3 avril, le 4 mai, le 1er
du mois, le 2 (le 3, le 4, etc.) du mois, mais le premier (le
deuxième, le troisième, etc.) jour du mois.
Dates
« particulières »
Voir :
Événement historique.
•••
Calendrier républicain (voir ce
mot) : année en chiffres romains grandes
capitales : le 5 brumaire an II.
De
Particule
Décoration Croix.
Les
distinctions civiles et militaires qui ont une hiérarchie — par
conséquent, tous les ordres — appellent la majuscule initiale à la
dénomination : l’ordre de la Légion d’honneur, la Légion
d’honneur, un chevalier de la Légion d’honneur.
Les
autres distinctions s’écrivent en minuscules : la croix de
guerre.
Les mots qui exigent une majuscule initiale la conservent :
la croix du combattant volontaire de la Résistance.
Dédicace Épigraphe.
1.
Vocabulaire
Quelques
mots manuscrits : un écrivain vient de dédicacer un
exemplaire d’une de ses œuvres, un chanteur vient de dédicacer sa
photographie. L’étude des dédicaces autographes relève de la
sociologie, de la graphologie, de la psychiatrie ou de la
bibliomanie, non de l’orthotypographie.
Quelques
mots imprimés en tête d’une œuvre : grâce à cette formule
d’hommage rédigée par l’auteur, l’œuvre est dédiée à un
dédicataire (à une ou des personnes physiques ou morales, à un
animal, à un objet, à une idée quelconque, etc.). Le texte ainsi
dédié est soit l’ensemble d’un ouvrage (roman, recueil, etc.,
voir : § 2), soit un élément de
celui-ci (poème, nouvelle, etc., voir : §
3). Le registre va de la délicatesse à la flagornerie.
2. Dédicace
d’ouvrage
2.1.
Dédicace brève.
Au
XXe
siècle, dans la plupart des cas, la dédicace n’est qu’une
courte formule :
À
E. F.
À mon ami Pierrot À Lucien Descaves. Louis-Ferdinand CÉLINE, Mort à crédit. À la corde sans pendu. Louis-Ferdinand CÉLINE, les Beaux Draps. Aux créateurs des petites voitures Dinky Toys, Jep, Schuco, Meccano, Solido et autres — qui firent rêver mon enfance. François NOURISSIER, Autos Graphie. |
|||
¶
Elle est imprimée sur la belle page (page de droite) qui suit la
page de titre. Composition centrée ou en drapeau. L’initiale
minuscule du premier mot (à, au, aux, pour)
est une fantaisie non conseillée.
à
O. de L. L.
|
|||
Jules
ROY,
la Vallée heureuse.
|
|||
En
grandes ou petites capitales, la composition centrée accentue
l’effet d’inscription lapidaire :
À MON CHAT
À PIERRE ET PAUL |
||
2.1.1.
Point final.
L’usage
le rend facultatif après les dédicaces courtes. Il est très
recommandé dans les formules simples ayant une ponctuation
interne :
À
Paul, Émile et Victor Durand.
|
|||
Il
est obligatoire à la fin des phrases complexes (verbales ou non
verbales) :
Au
lecteur de mon précédent livre,
bien qu’il m’ait envoyé une lettre injurieuse. |
|||
Le
point final impose la majuscule à la première lettre :
Pour
Didier Lamaison.
À la mémoire de John Kennedy Toole, mort de n’avoir pas été lu, et de Vassili Grossman, mort de l’avoir été. |
|||
Daniel
PENNAC,
la Petite Marchande de prose.
|
|||
L’inverse
n’est pas vrai :
À
mes camarades
de la bataille de Teruel André MALRAUX, l’Espoir. |
|||
Je
dédie
LES THIBAULT à la mémoire fraternelle de PIERRE MARGARITIS dont la mort, à l’hôpital militaire, le 30 octobre 1918, anéantit l’œuvre puissante qui mûrissait dans son cœur tourmenté et pur. R. M. G. |
|||
J’ai
pour ami, depuis longtemps, un honnête homme, qui aurait
fait davantage honneur à son destin en se faisant la nette
crapule que tout en lui l’invitait à devenir. Mais non.
Pourtant, tout en lui y était : souplesse,
inventivité, prestesse, rareté, courage, et l’aisance
exclusivement déployée aux extrêmes. Or, de la parfaite
ordure que tous ces dons profilaient, rien :
il est le cœur complet, et ce en coupe comme au suivi.
C’est même à peine si, devant les laborieux poseurs de
mort qui promènent partout leur dard de trop, soucieux
comme porcs au sommet de mettre les petits néants dans les
grands, il ricane. À ce miséricordieux-là, je dédie ce que
j’aurais dû comprendre.
|
|||
Marc
WETZEL,
la Méchanceté.
|
|||
3. Dédicace
limitée
Les
parties d’un ouvrage dédié à X peuvent être dédiées à Y ou Z.
Théophile Gautier est le dédicataire « général » des Fleurs
du mal, mais Charles Baudelaire a dédié « la Mort des
artistes » à Félix Nadar et « les Sept Vieillards »
à Victor Hugo.
¶
Dédicace entre le titre et le début du texte (ou entre le titre et
l’éventuelle épigraphe) : alignement à droite, rentré d’un
cadratin. Italique indispensable.
La
dédicace constitue parfois le titre même d’une œuvre. Exemples par
dizaines chez Paul Verlaine (Amours, Dédicaces,
Invectives, etc.). Toutefois, dans bien des cas, ces
« titres-dédicaces » sont des adresses, parfois
associées à de « vraies » dédicaces… :
AU
COMPAGNON LARTIGUE
pour
Henri Cholin Vous
qui ne connaissez de brigue |
|||
L’adresse
liminaire, même brève, n’est pas une dédicace :
À
celui qui lit mes livres,
je dis : continue. |
|||
5.
Considérations diverses
5.1.
Regrets.
L’un
des grands romans du siècle (Albert Cohen, Belle du Seigneur)
est certes précédé d’un « À ma femme » que je me
garderai bien de critiquer, pas plus que le « À mon
père » de Mangeclous. Toutefois… dans certaines
formules, qu’il soit fondé ou prématuré, délibéré ou involontaire,
l’effet « fleurs et couronnes » semble inévitable :
À
mes parents.
|
|||
5.2.
L’excès de gratitude engendre parfois un effet
d’atténuation :
À
monsieur Gaston Calmette |
|||
Proust
ajoute et signe une formule de politesse qui diminue la portée de
sa dédicace. Elle n’est pas inscrite dans l’éternité du livre mais
sur une carte glissée dans un bouquet, par
« reconnaissance ». Le lecteur est autorisé à lire de la
correspondance privée. Réduite à sa seule première ligne, la
dédicace de Du côté de chez Swann aurait eu un autre
poids.
6. Une dédicace peut contenir une citation
J’aurais
pu dédier ce livre :
« À
toutes celles et à tous ceux qui auront vécu |
|||
La
première partie de la phrase est une citation de Charles Péguy.
Degré Point cardinal.
Pas
d’espace entre le nombre et ° : Cette eau-de-vie titre 43°.
Espace
insécable entre le nombre et °C, °F, °R : L’eau bout à 100 °C
mais à 35 °F, on se les gèle.
Deleatur Correction.
Mot latin signifiant « qu’il soit effacé ». Signe de correction typographique indiquant une suppression à faire.
Bien
qu’en remontant aux origines on puisse leur trouver une
justification, toutes les définitions qui précisent que ce signe
« est en forme de… » sont aujourd’hui malencontreuses,
car une des qualités requises pour un « bon deleatur »
est précisément qu’il ne doit ressembler à aucun autre signe. Ça
évite les confusions. C’est fait pour.
Guéry
1990, Robert
1985, 1993
[signe ressemblant à un delta grec minuscule ()] ;
Académie
1994 [delta inversé].
Deleatur
est un nom masculin invariable. L’absence d’accent ne l’a pas
empêché de fournir le joli verbe déléaturer.
Académie
1994, Girodet
1988, Larousse
1885 à 1999,
Lexis
1989, Littré
1872, Robert
1985, 1993.
Conseil
sup. 1990, Guéry
1990, Le
Beau-Bensa & Rey-Debove 1991{un déléatur, des
déléaturs}. Hachette
1995 donne le choix quant à l’accentuation mais
maintient l’invariabilité.
Remarque.
— L’accentuation et la marque du pluriel n’ont rien
d’inadmissible, elles sont même souhaitables, mais il serait
présomptueux de préconiser des graphies non retenues par la
quasi-totalité des lexicographes actuels… Pour être honnête, une
autre raison, à peine avouable, m’incite à demeurer fidèle aux
deleatur : Le
Beau-Bensa & Rey-Debove 1991 demande le maintien
des formes latines traditionnelles de certains mots lorsque
« ces formes sont courantes dans un milieu restreint et
compétent » ; comme il recommande concomitamment
« déléatur, déléaturs », on est ravi d’apprendre que le
milieu des déléatureurs est vaste et incompétent.
Département Pays.
« Depuis
que j’ai aperçu vos jolis yeux (Calvados),
je ne vis plus et mon rêve serait de vous arracher
à la scène inférieure (chef-lieu Rouen) où vous
déployez tant de grâce (Alpes-Maritimes), et tant de
talent (Doubs) ; malheureusement, je ne possède
pas la forte somme (chef-lieu Amiens). »
Alphonse ALLAIS,
le Bec en l’air (Œuvres anthumes).
Départements français, noms composés
•••
Majuscule, trait d’union.
Règle
commune à tous les noms, français ou francisés, de divisions
administratives : majuscule initiale à tous les substantifs
et à tous les adjectifs. Les éléments, quels qu’ils soient — même
la conjonction de coordination et —, sont reliés par un
trait d’union : les Alpes-de-Haute-Provence, la
Haute-Garonne, le département de Seine-et-Marne, les Deux-Sèvres,
le Val-de-Marne.
L’élision élimine évidemment le trait d’union : le
Val-d’Oise.
le Monde
écrit souvent la [Seine Saint-Denis].
Pour
d’évidentes raisons historiques et grammaticales (c’était un
territoire), le Territoire-de-Belfort fut longtemps privé de trait
d’union. C’est depuis longtemps (1922) un département à part
entière : il doit être traité comme ses pairs.
Robert
1994.
•••
Article.
Dix
* départements français ont une dénomination officielle qui
associe deux noms de cours d’eau coordonnés par et. Ils ne
peuvent, en principe, être déterminés par l’article défini. Il
s’agit des départements d’Eure-et-Loir, d’Ille-et-Vilaine,
d’Indre-et-Loire, de Loir-et-Cher, de Lot-et-Garonne, de
Maine-et-Loire, de Meurthe-et-Moselle, de Saône-et-Loire, de
Seine-et-Marne, de Tarn-et-Garonne.
On
ne devrait donc écrire ni [la Meurthe-et-Moselle] ni [dans le
Loir-et-Cher], mais le département de Meurthe-et-Moselle
et en Loir-et-Cher.
Girodet
1988, Grevisse
1975, Impr.
nat. 1990, Thomas
1971.
Grevisse
1986.
*
Jadis onze, avec celui de Seine-et-Oise.
Cette
règle, qui peut entraîner des lourdeurs d’expression, n’est guère
respectée : « Sa Majesté l’avait fait comte, pair de
France, lieutenant-général et gouverneur de Paris, commandant la
première division territoriale, c’est-à-dire l’Aisne,
[l’Eure-et-Loir], le Loiret, l’Oise, la Seine, [la Seine-et-Marne]
et [la Seine-et-Oise]. » – Louis ARAGON,
la Semaine sainte.
Je
n’ai aucunement l’intention de « corriger » Aragon… mais
voici, à titre d’exemple, une solution qui aurait permis
d’observer la règle : « […] territoriale, c’est-à-dire
les départements de l’Aisne, d’Eure-et-Loir, du Loiret, de l’Oise,
de la Seine, de Seine-et-Marne et de Seine-et-Oise. » C’est
évidemment moins fluide…
Après la préposition de, Thomas
1971 et Berthier
& Colignon 1991 considèrent que l’article est
admissible devant une voyelle. Cela revient à créer une bien
inutile exception à l’exception du « groupe des dix »
pour les deux seuls départements d’Eure-et-Loir et
d’Ille-et-Vilaine… Fruit de cette tolérance : comme toujours,
un accroissement de la complexité des règles.
•••
Loir (4 lettres) et Loire (5 lettres) sont associés
à des noms d’autres cours d’eau qui comptent toujours le même
nombre de lettres qu’eux : 4 et 4 : Eure-et-Loir,
Loir-et-Cher ; 5 et 5 : Indre-et-Loire, Maine-et-Loire,
Saône-et-Loire.
Berthier
& Colignon 1991.
Divers
Le
département de l’Agriculture, le Département d’État (États-Unis).
Dépôt
légal
Achevé
d’imprimer, Colophon.
Sa
mention, obligatoire, devrait figurer sur la dernière page
imprimée (cette convention n’est pas toujours respectée).
« Dépôt
légal octobre 1986 » ou mieux : « Dépôt
légal : octobre 1986 ».
Deuxième
Second
Deux-points Ponctuation.
« Virgules
bleues ; points blancs ; points
d’exclamation jaunes ; tirets gris ; deux-points
mauves… Mauve : couleur qui ne commence
ni ne finit ; barrière à claire-voie entre les teintes ;
nuance flottante par excellence ; bac des teintes. »
Malcolm de CHAZAL,
Sens plastique.
Nombre
Nom
masculin invariable : un ou le deux-points. Comme un
deux-ponts, un trois-mâts, un quatre-quarts, etc.
Code
typ. 1993, Drillon
1991, Dumont
1915, Fournier
1903, Frey
1857, Impr.
nat. 1990, Larousse
1999, Leclerc
1939, Littré
1872, Perrousseaux
1995, Typogr.
romand 1993.
Berthier
& Colignon 1979, Boiste
1828, Doppagne
1991, Girodet
1988, Hanse
1987, Leforestier
1890, Richaudeau
1989, Sensine
1930 : {deux points}, sans trait d’union, forme
concevable mais irrespectueuse de la tradition typographique, qui,
en l’occurrence, n’est pas la moins pertinente.
Académie
1994, Amen
1932, Brachet
& Dussouchet 1889, Colignon
1993, Gouriou
1990, Quillet
1946, Robert
1993 : [les] deux-points, forme la plus fâcheuse,
car elle ne respecte rien de discernable.
Emploi
1.
Le deux-points précède soit une explication, un
éclaircissement, un exemple, une preuve, une énumération, soit une
citation, un discours. « Je tiens ma franchise de mon
grand-père Grane, le dentiste de Salt Lake City, celui qui fit
rayer des grammaires américaines l’ignoble expression
française : menteur comme un arracheur de dents. Général, je
vous le demande : Aimez-vous au fond
l’Empereur ? » – Jean GIRAUDOUX,
Siegfried et le Limousin.
2.
Plus rarement, le deux-points suit une énumération ou une
citation. Veau, vache, cochon, couvée : les jeunes filles
jadis avaient de l’ambition.
•••
En principe, un seul deux-points est admissible au sein d’une
phrase, et l’on évitera de recourir à ce genre de ponctuation,
qui, ouvrant deux issues, crée un désagréable « courant
d’air » : « “Pomme de terre” : ce syntagme
signifie : “une pomme de terre”. » – Marie-Anne GREVISSE,
La grammaire, c’est facile.
Amen 1932.
Dans
la plupart des cas, il est facile de remplacer un deux-points
surnuméraire par un autre signe de ponctuation, voire de le
supprimer, car il est souvent inutile ou fautif :
« “Pomme de terre” : ce syntagme signifie “une pomme de
terre” ».
Toutefois,
un certain nombre de signaux typographiques, propres à éliminer
tout courant d’air, donc toute ambiguïté, autorisent l’emploi de
plusieurs deux-points dans une phrase : point-virgule,
guillemets, italique :
« Après
la proposition : la vérité est une erreur nécessaire,
nous trouvons cette autre proposition : l’art est une
valeur supérieure à la vérité, qui est la conclusion de
celles qui énonçaient que l’art nous empêche de nous abîmer
dans la vérité ou l’art nous protège contre la vérité,
ces propositions ayant toujours le même caractère pragmatiste que
la proposition précédente […]. » – Pierre KLOSSOWSKI,
Un si funeste désir.
¶ Composition
On
évitera de confier au deux-points le soin de terminer une page
impaire : chasser ou gagner.
Impr.
nat. 1990.
Quand
le deux-points annonce une énumération ou une citation sur
plusieurs alinéas, il doit être immédiatement suivi du premier
alinéa.
Amen 1932.
Dans
une énumération en alinéas, chaque alinéa se termine par un
point-virgule, sauf le dernier qui est ponctué par un point final.
La
tradition française veut que le deux-points soit situé entre deux
espaces égales.
¶
Typographie soignée, voir : Ponctuation.
L’espace
avant,
l’espace après un deux-points
À
F.L.L.F., du 31 mai au 28 août 2000.
P.
CAZAUX :
En typo française, on considère que le deux-points est précédé
d’une espace-mot car le signe relève autant de ce qui le précède
que de ce qui le suit, tandis que le point-virgule, le point
d’exclamation et le point d’interrogation appartiennent à ce qui
les précède, et cette appartenance se matérialise par une espace
plus étroite.
Yé
né souis pas d’accord. Il est évident que les deux espaces ne sont
pas de même nature, l’insécabilité de la première en témoigne.
Leur égalité visuelle ne peut se fonder sur une prétendue
« égalité sémantique ». Le deux-points
« relève » davantage de ce qui le précède. La
preuve : « Tu l’as sous les yeux. »
Une
espace antérieure légèrement plus étroite que l’espace-mot est
préférable au phénomène inverse. Sans aller (comme certains
Romands…) jusqu’à la fine, évidemment. Kif-kif pour les espaces
internes des guillemets français, le plus souvent trop grandes.
P.
CAZAUX :
C’est juste qu’on ne veut pas commencer une ligne par un
deux-points.
Oui,
mais pourquoi ? Certainement pas en vertu d’un principe qui
interdirait de faire commencer une ligne par un signe de
ponctuation ! Nombreux exemples sur demande.
Juste
un… (Je suis pingre, ce matin.)
…
histoire d’illustrer un peu la chose.
Non,
c’est parce que le deux-points est fortement perçu comme une
ouverture vers l’extérieur, et non l’inverse : il appartient
davantage au premier élément qu’au second.
P.
CAZAUX :
Oui mais le deux-points est quand même plus égal que les autres.
Il met en relation les deux membres de phrase ; les autres
signes terminent la partie de gauche.
Si
les signes de ponctuation ne permettent pas de souligner le
sens, autant s’en passer, non ?
Je
pense exactement le contraire. S’ils se contentaient de souligner
le sens, nous pourrions nous en passer… Par chance (pour eux… et
pour nous), ils peuvent faire beaucoup plus : il leur arrive
de modifier le sens et même, dans certains cas, de le faire
naître.
F.
MOLINA :
Ça se tient, mais je maintiens que n’importe quelle ponctuation
se trouvant pratiquement à mi-chemin entre sa proposition
d’attache et la suivante, à laquelle elle conduit, mais à
laquelle elle n’appartient pas, est aberrante sur le plan de la
syntaxe.
Évidemment,
mais pourquoi me répondez-vous cela ? Nous sommes d’accord.
Ne vous ai-je point écrit que les « immenses insécables […]
sombrent dans la caricature » ? Inutile de les imiter.
N’oublions
cependant pas le deux-points, que beaucoup placent entre deux
espaces égales.
Or,
il se trouve que je suis un des partisans de la dissymétrie
(insécable antérieure légèrement plus faible que la justifiante
postérieure).
Qu’elles
soient exprimées en français ou dans une autre langue, les devises
citées dans un texte se composent en italique (sans
guillemets), et leur premier mot prend une majuscule
initiale :
Erin
go brah ! est la devise de l’Irlande, Eih bennek,
eih blavek est celle de la Syldavie.
Je
sème à tout vent et Nec pluribus impar sont
respectivement les devises de Larousse et de Louis XIV.
A.E.I.O.U.
(Austriæ est imperare orbi universo) n’est plus la devise
de l’Autriche.
Je
maintiendrai est encore celle des Pays-Bas.
Impr.
nat. 1990, Ramat
1994.
Les
noms communs assimilables à des symboles prennent la majuscule
initiale, singulièrement dans les formules où ils sont juxtaposés
ou coordonnés :
Liberté,
Égalité, Fraternité (France).
Ordem
e Progresso (devise positiviste du Brésil).
Les
traductions présentées explicitement comme telles peuvent
être composées en romain entre guillemets :
Uhuru
na Umoja, devise de la Tanzanie, signifie « Liberté et
Unité ». La Tanzanie a pour devise Liberté et Unité.
Dans
les dialogues composés à la suite, le tiret marquant le changement
d’interlocuteur ne doit jamais se retrouver en fin de ligne. Il
est donc prudent de rendre insécable l’espace qui le suit.
Lefevre
1855.
De temps en temps, un ami venait et se campait sous la soupente. « Que fais-tu là, Jonas ? — Je travaille. — Sans lumière ? — Oui, pour le moment. » Il ne peignait pas, mais il réfléchissait. | ||
Albert
CAMUS,
« Jonas », l’Exil et le Royaume.
Il gardait un sourire mauvais, conscient de son avantage. — « Sani est-il là ? » Il rigola et posa avec force un poing sur sa hanche : — « Sani ? pourquoi que tu veux le voir, Sani ? » — « Je dois le retrouver ici ; est-il là ? » — « Ah, tu dois le retrouver ici, Sani ? » Je reculai un peu, mais maintenant le sang me montait à la tête ; c’était le vertige qui précède mes colères. |
||
Louis-René
DES
FORÊTS,
les Mendiants.
|
||
Exemples
de dialogues :
La
vieille fille dévouée et son chien. — Votre chien pue, mademoiselle, lui dit un monsieur. — Non, monsieur : c’est moi. |
|||
Jules RENARD, Journal. Comme
ça, je suis arrivé que c’était déjà commencé. |
|||
Jean
GIONO,
« Prélude de Pan », Solitude de la
pitié. Il
sourit à Jacques, et soulevant le Berliner
déplié qu’il tenait à la main, il demanda, en
allemand : |
|||
Roger MARTIN DU GARD, l’Été 1914. MOI |
|||
C’est comme le feu de l’amour, qui au ciel est jouissance et pour ceux qui attendent blessure qui purifie. | |||
LUI
|
|||
Alors, vous, vous savez ce qui se passe au Purgatoire ? | |||
MOI
|
|||
J’y applique ce que vous venez de me dire du jour qui vous blesse. | |||
LUI
|
|||
J’aimais la chose de Bergson. La lumière rouge, nous disait-il, qu’est-ce ? Quatre cent trillions de vibrations successives à la seconde, et qu’il nous faudrait vingt-cinq mille siècles pour percevoir comme distinctes. | |||
Jean
GUITTON,
Dialogues avec M. Pouget sur la pluralité des mondes.
|
|||
À
Typographie, le 25 janvier 1998.
J.-D.
RONDINET :
Il y a deux catégories de présentation typo de dialogues,
acceptées partout de nos jours :
1.
« Je t’adore, mon amour !
—
Moi aussi, ô mon oiseau des îles…
—
Embrasse-moi ! »
2.
— C’est encore moi qui ai fait la vaisselle ! — Oui,
mais j’ai sorti le chien ! — C’est tout ?
Glandeur ! Macho !
Le
choix entre les deux sera fait une bonne fois pour toutes avant
la composition d’un ouvrage, ou le lancement d’une collection.
La Typo 1 est plus traditionnelle mais lourde à la compo
et à la lecture ; elle sera réservée aux œuvres comportant
peu de dialogues et aussi quand il y a des cas douteux et
complexes : faux dialogues (entre l’auteur et lui-même),
citations de dialogues, retours arrière, etc.
Cette
Typo 1 permet éventuellement de ne pas passer à la ligne
à chaque changement de locuteur, si la place est comptée
(magazines). La Typo 2, plus moderne et pratique, c’est
pour du « roman de gare » avec beaucoup d’échanges
verbaux ou pour ce qui ressemblerait à de l’interview, à du
« sur le vif ». […]
Pensez
aussi que l’espace qui suit le « moins » doit être non
justifiante, généralement un demi-cadratin. Cela pour des soucis
d’alignement des premières lettres du dialogue, sur des justifs
un peu courtes. Il faut éviter :
—
C’est encore moi qui ai fait la vaisselle !
—
Oui, mais j’ai sorti le chien !
—C’esttout?Glandeur!Macho!
On
a fait bien plus fort que Typo 1 et, bien sûr, que Typo
2… Accordez un coup d’œil, par exemple, à Martin du Gard… Ça
nous donne :
—
« Xxxxxx. »
—
« Xxxxxx. » Xxxxxxx.
—
« Xxxxxx », xxxxx.
—
« Xxxxxx. »
C’est-y
beau ? Ici, on peut parler de lourdeur, mais de lourdeur
typographique uniquement. Cette incarcération de chaque réplique
peut s’apprécier autrement. La littérature a ses raisons que la
typographie ne connaît point.
À
mon sens, Typo 1 (guillemets en début et en fin de
dialogue) est la seule qui vaille en l’absence d’un parti exprimé
par l’auteur.
La
seule qui le mette en présence de ses insuffisances ou de sa
nonchalance (ce qui, évidemment, n’est pas le cas de Flaubert…).
La seule surtout qui permette d’éviter les ambiguïtés non
préméditées.
À
Typographie, le 8 avril 1999.
T.
BARUCHEL :
Je n’ai jamais bien compris s’il y avait une différence entre
les deux façons d’introduire du discours direct dans un texte
(guillemets ou tirets). Y a-t-il une règle précise ou non ?
Le
discours direct ne se limite pas aux dialogues. C’est une
évidence, mais je la rappelle car elle conditionne la suite…
S’agissant
des dialogues insérés dans une narration (sinon on change de monde
et de règles…), il y a aujourd’hui au moins deux conventions (avec
de multiples variantes), mais les deux font appel aux tirets. Le
choix — qui n’est donc pas entre tirets et guillemets… mais
entre tirets seuls et tirets + guillemets — vous appartient.
À mon avis, les guillemets sont indispensables. Pourquoi ?
Précisément parce que si vous y renoncez dans les dialogues je ne
vois pas ce qui pourrait justifier que vous les appeliez à la
rescousse pour introduire un discours direct au sein d’une
quelconque phrase narrative, or vous y serez plus que probablement
contraints… (Faut être cohérent, le lecteur apprécie ça…)
En
outre, les guillemets éliminent quantité d’ambiguïtés. Certains
esthètes les trouvent lourds. Dans bien des cas, la légèreté de
leur style rend l’objection divertissante. J’ajoute que, lorsque
l’on sait où les placer, les guillemets sont peu nombreux :
leur éventuel massacre de la vivacité du dialogue est donc une
foutaise, un mauvais alibi (on devine à quoi).
Dicton
Proverbe
Disciple
Adepte
Division Coupure, Espacement, Trait d’union.
La
division consiste à couper un mot plurisyllabique en fin de ligne
afin de maintenir un espacement régulier. Ses règles sont exposées
à l’article Coupure.
Un seul nom pour un seul signe
Dans
le monde typographique perdure un archaïsme : on nomme encore
division le signe que les grammairiens d’aujourd’hui et le
reste de la population appellent trait d’union. Cette
particularité lexicale, source de confusion pour les non-initiés,
ne mérite pas d’être maintenue. Il s’agit du même signe
graphique : le trait d’union. Il suffit de couper un mot
composé pour s’en convaincre : un sous-[marin.
Si
l’union permanente d’un mot composé et la division occasionnelle
d’un mot en fin de ligne sont des opérations très différentes
(orthographe-typographie), les rôles qu’y joue le trait d’union
n’ont rien d’antithétique : il divise certes le mot en fin de
ligne, mais il indique surtout que la fraction qui le précède est
unie à celle qui figure au début de la ligne suivante. Ce n’est
pas une hache, c’est un maillon. Cessons donc de l’appeler
« division » (voir : Trait
d’union).
Grevisse
1986.
Frey 1857,
Gouriou
1990, Impr.
nat. 1990, Lecerf
1956.
• ¶ Ouvrages de référence consacrés à la langue
Attention !
Les lignes qui suivent — et qui contredisent en apparence celles
qui précèdent — n’ont pas pour objet de mettre en cause le
traditionnel double rôle du trait d’union. Le propos serait vain
et stupide. Elles ne concernent qu’une catégorie très précise et
très limitée de textes composés.
S’il
est sain de ne donner qu’un nom à un signe
graphique, il reste qu’un seul signe ne peut sans ambiguïté
traduire deux opérations différentes (quoique n’ayant rien
d’antithétique…). L’identité de forme est parfois fâcheuse dans
les ouvrages didactiques. Reprenons l’exemple du sous-[marin. La
coupure intervenant après le premier élément, rien n’indique au
lecteur qui tente d’apprendre le français que le nom de cet engin
submersible ne s’écrit pas [sousmarin]. À l’inverse, le même
lecteur, face à la coupure anti[brouillard > anti-brouillard,
sera peut-être tenté de croire que le trait d’union est nécessaire
après le préfixe anti et écrira en toute occasion
[anti-brouillard]…
Au
début du XIXe
siècle, Girault-Duvivier
1838, que l’on se complaît aujourd’hui à faire passer
pour un compilateur borné ou un chantre de la « Grammaire
BCBG » (Catach
1989), l’avait bien compris qui employa deux signes
distincts (« - » pour les coupures de mots composés,
« = » pour les coupures ordinaires) :
« Quelques personnes ont paru étonnées que j’aie adopté un
double trait dans les mots qu’on partage à la fin des lignes, au
lieu du simple trait que l’on y emploie ordinairement. […] Ainsi
je garantis mon lecteur d’une faute grave, car c’est en commettre
une que d’omettre le trait d’union, quand il est exigé, ou de s’en
servir, quand il ne l’est pas. » L’idée — mais pas
nécessairement le signe =, déjà chargé d’autres missions —
mériterait d’être reprise dans les ouvrages de référence consacrés
à la langue (même s’il est vrai que les éditeurs de dictionnaires
s’efforcent énergiquement de limiter les coupures en fin de
ligne).
Berthier
& Colignon 1991 ont voulu améliorer le
procédé en inversant les rôles des deux signes. Cela semble a
priori judicieux, car le signe « = », qu’ils appellent
« double trait d’union », remplit effectivement deux
rôles dans un mot composé que l’on coupe en fin de ligne. En
outre, ces coupures étant peu fréquentes, l’inopportune
multiplication d’un signe non orthographique n’est pas à craindre.
Le malheur, c’est qu’avec cette convention les seuls mots dont
l’orthographe inclut un trait d’union le perdent. Les mots
composés (
et les mots occasionnellement liés : « dit-il »)
doivent préserver l’intégrité graphique de leur(s) trait(s)
d’union ; c’est aux coupures ordinaires qu’il convient de
réserver un signe qui se distingue subtilement du trait d’union.
Le signe « ¬ » (dans un corps inférieur d’au moins deux
points à celui du texte courant), un trait d’union légèrement
« incliné » ou un tilde pourraient faire l’affaire (si
l’on adopte cette convention, on renoncera aux polices dont le
trait d’union est déjà incliné…).
anti[brouillard | > | anti¬ brouillard |
ou anti[brouillard | > | anti~ brouillard |
mais sous-[marin | > | sous- marin |
Doctrine Adepte.
« Toute
doctrine qui n’est pas aussi
ancienne que la société est une erreur *. »
Paul BOURGET,
l’Étape.
* (Cette
phrase est également une erreur.)
Par
facilité, ce mot est employé ici dans une acception abusive,
englobant des mouvements, comme l’expressionnisme, qui
n’engendrèrent ou ne furent engendrés par aucune doctrine.
•••
Comme leurs adeptes, les doctrines (religieuses, philosophiques,
artistiques, politiques, économiques, etc.) ne méritent pas la
majuscule initiale : l’existentialisme, l’impressionnisme, le
libéralisme, le naturalisme, le socialisme, le surréalisme.
La
règle s’applique aux mots dérivés de noms propres : le
gaullisme, le marxisme, le thomisme, le voltairianisme.
Tassis
1870.
Les dénominations qui ne sont pas dérivées prennent la majuscule
initiale : Dada, le mouvement Dada, mais le dadaïsme.
Tout
tout
élément d’un texte (mot, partie de phrase, phrase, alinéa, etc.)
fautivement composé deux deux
fois.
Dans les ateliers, les récidivistes étaient vite qualifiés de
« doublonnistes ».
Attention !
La répétition fautive de lettres au sein d’un mot n’est pas un
doublon mais une fautte
d’orthoggraphe.
Par
extension, les journalistes emploient également doublon pour
désigner une information faisant double emploi avec une autre,
dans des termes éventuellement différents mais dans le même
numéro. Cette acception étendue a engendré le verbe
« doublonner ».
Ne
pas confondre doublon (serment-serment),
doublet (serment-sacrement),
doublement (serment-assermenté).
••
Les nombres exprimant des durées simples ou imprécises se
composent en lettres : Il lui fallut moins de dix secondes
pour comprendre ; Je cours le marathon en quatre heures et
demie ; Elle est partie depuis vingt-deux jours ; Ça
dure depuis cinq ou six ans ; « Au bout de trente ans,
le jeune roi d’Égypte était devenu
vieux. » – Charles NODIER,
les Quatre Talismans.
Impr.
nat. 1990.
Dynastie Nom propre.
« Solidarité
des Brunswick, des Nassau,
des Romanoff *, des Hohenzollern, des
Habsbourg, avec les Bourbons. Waterloo
porte en croupe le droit divin. »
Victor HUGO,
les Misérables.
*
Aujourd’hui, {les Romanoff} > les Romanov.
« Si les Bourbons étaient revenus après la
Terreur, Louis XVIII n’eût pu régner sur deux
Frances irréconciliables. »
Jean GUITTON,
Discours de réception
à l’Académie française.
•••
Seuls les noms français prennent éventuellement la marque du
pluriel.
Les
numéros d’ordre se composent en chiffres romains grandes
capitales : La XXe dynastie fut fondée par Ramsès
Ier.
Impr. nat. 1990.