Règles typographiques : de Galerie à Guillemet


Galerie Musée, galerie 


Gagner Chasse, chasser


Galaxie Astre


Genre des noms communs Féminin.

« Il y a des règles de grammaire qui n’ont été
décrétées que pour en finir avec une liberté qui
n’avait aucun inconvénient. […] Il n’y a aucune
raison pour ne pas admettre amour aux deux
genres, selon l’humeur. »
Paul V
ALÉRY, Cahiers.

Masculin :
Un abaque romain, un abysse de 6 000 mètres, un acrostiche grivois.
Un albâtre délicat, un alvéole profond, l’ambre gris des cachalots blêmes.
L’amiante mortel du Berlaymont, un antidote au désespoir.
Un apogée très bref, un arcane subtil (alchimie), les arcanes puérils du Palais.
Un armistice déshonorant, l’asphalte mou des rues de Sfax.
Un astérisque bien venu, un astragale corinthien.
Un augure, bon ou mauvais, est masculin comme un devin ou un présage.
Un colchique dans les prés, un effluve plaisant.
Un éphémère adulte déjà vieux de vingt heures, un équinoxe désastreux.
Le girofle, un haltère plutôt lourd, un hypogée, le lignite, le myrte est lassant.
Le naphte, un obélisque, un ocelle de léopard, un opprobre, un ove est un œuf.
Des pénates princiers, un pétale, un planisphère.
Le saccharose n’est pas moins masculin que le sucre, le solde (vente).
Un joyeux trille.

Féminin :
Une acre de bonne terre, l’algèbre, {une} alluvion.
Une anagramme transparente, une argile molle.
Des arrhes scandaleuses.
Une câpre, l’ébène (bois de l’ébénier) est précieuse, une échappatoire.
Une écritoire, une enzyme gloutonne, une éphéméride (mais : un éphémère).
Une épigraphe touchante, une escarre douloureuse, une immondice.
Une oasis surpeuplée, une oriflamme prise à l’ennemi, une palabre assez vaine.
Une scolopendre vigoureuse, la sépia, une topaze, une vicomté.
Un ou une alvéole, un ou une perce-neige.
Larousse 1997, Thomas 1971.
Robert 1993 [éphémère, enzyme : masculin ou féminin].
Impr. nat. 1990 [amiante, anthracite : féminin].



I. « Un » automobile…

À France-Langue, le 21 février 1998.
B. PICARD : Cet usage nous vaut une très rare note dans l’édition de « la Pléiade » (1954) de la Recherche du temps perdu dont l’appareil critique se concentre sur les variantes : « Automobile est encore donné comme nom masculin au tome I du Nouveau Larousse illustré, paru vers 1900 ; mais ce même mot est féminin dans d’autres endroits de l’édition (par ex., p. 995). »
Cette note de « la Pléiade » n’est pas très claire, car elle semble suggérer que le masculin pourrait être antérieur au féminin, voire qu’à l’origine il aurait été dominant… Je dispose de deux éditions du Nouveau Larousse illustré. Or, dans la plus ancienne (1897, numéro 18 !), « automobile » est un substantif féminin (avec cette mention : « Quelques-uns font ce mot masculin »), ce qui s’explique par « une voiture automobile ». Dans la plus récente (1920, numéro 246287 !), c’est devenu un substantif masculin (sans la moindre variante)…
À mon sens, un petit malin à l’esprit étroit est passé par là… avec un véhicule automobile. Quant à savoir à quelle date… c’est une autre affaire… Faudrait consulter les éditions successives… entre 1898 et 1919… C’est probablement bien avant 1920, puisque cette date est donnée par de nombreuses sources comme celle de l’extinction du masculin… À noter toutefois que le Larousse du
XXe siècle (1928), s’il revient bien sûr au féminin, reprend la mention « Quelques-uns font ce mot masculin »…
B. PICARD : Mobile et rail sont du masculin, mais pourquoi aujourd’hui une automobile et un autorail ?
Sans doute parce que « automobile », avant de devenir un substantif, fut un adjectif éventuellement féminin… ce qui n’est pas le cas d’« autorail ».


II. … et « une » bug informatique

À France-Langue, du 2 au 18 mars 1998.
J. THERIAULT : Je crois qu’il faut se fier à l’oreille. Il y a des mots qui sonnent masculin et d’autres qui sonnent féminin, sans que l’unanimité soit possible d’ailleurs. Certains proposent la bogue (pour bug) ; moi, ça m’écorche les oreilles et j’opte pour le bogue.
Ben… ça se discute… Au départ vous avez tort, mais je crois bien qu’à l’arrivée vous avez raison…
Le bogue, c’est un poisson (sauf pour l’Académie… qui, fidèle à elle-même, en fait un féminin). La bogue, c’est ce machin piquant (donc néfaste…) qui enveloppe les châtaignes.
Il me semble que les officiels conseilleurs ont été séduits par la double (donc dangereuse) analogie de la bogue avec bug (bestiole ou erreur néfaste)… C’était oublier un peu vite que tous ceux qui ont employé le terme anglais en ont fait, à juste titre, un masculin : un bug. Il me semble donc que l’officielle bogue aura bien du mal à s’imposer… Si je tombe sur « un bogue informatique », je ne le corrige pas… Nous ne sommes pas tenus d’obéir à des ordres stupides. D’autant que nous avons Larousse avec nous (uniquement masculin). Little Bob est plus précautionneux (féminin… mais « cour. » masculin…).
C’est bien joli de vouloir défendre le français contre les foreign bugs… mais on se retrouve avec un binz presque aussi foireux que l’illustre Mél… Tout ça pour nommer un défaut, une erreur, une couille…
Ah ! dernier mot… Bogue est également un terme argotique qui signifie « montre, toquante »… Quand on songe au « bogue de l’an 2000 », ça ne manque pas de piquant…
J. FONTAINE : Je m’interroge sur le « à juste titre »… Pourquoi, a priori, le mot anglais bug serait-il plus masculin que féminin ?
Tous les substantifs français se terminant par g sont masculins… Les seuls féminins sont des sigles (A.G., I.V.G., O.N.G.), des troncations (agrég, santiag) et trois exceptions explicables : starking (une pomme), tong (une sandale), Weltanschauung (une vision du monde).


Genre des noms propres Ville et village


Gentilé Peuple


Géographie Pays.

Les Français se flattent abusivement en se prétendant des parangons de nullité géographique. Ils sont loin derrière le peloton de tête ; pis, en la matière, leurs traditions orthotypographiques comptent parmi les plus subtiles : l’Afrique-Équatoriale française (A.-É. F.), l’Afrique-Occidentale française (A.-O. F.), l’Afrique du Nord, l’Arabie Heureuse, l’Asie Mineure, l’Asie du Sud-Est ; le Bassin aquitain, le Bassin parisien ; la Forêt-Noire, la Géorgie, la Vénétie Julienne ; Saint-Louis (Sénégal), ± Saint Louis (États-Unis), voir : Saint.



I. Moyen et Proche-Orient

À Langue-Fr., le 7 août 2001.
P. DECLERCQ : Pendant très longtemps on n’a jamais dit qu’Orient pour le Proche ou Moyen-Orient.
Jadis, le Proche-Orient s’appelait le Levant… Cela me rappelle une ancienne contribution, que voici :
Les définitions ont hélas évolué : naguère synonyme de Levant (ce qui impliquait une façade méditerranéenne), le Proche-Orient est devenu aujourd’hui, pétrole aidant, un sous-ensemble sans intérêt (car trop proche…) du Moyen-Orient : il englobe certains riverains de la mer Rouge et, surtout, miam-miam, du golfe Persique…
Moyen-Orient nous vient de l’anglais Middle East et désigne ce que nous appelons désormais le Proche-Orient en y ajoutant (éventuellement) des pays plus « orientaux » comme l’Afghanistan, qui sont néanmoins situés en Asie occidentale… La nuance est donc bien faible. […] On est toujours l’oriental (ou à l’est) de quelqu’un : si pour certains le Soudan commence à Calais, il est logique que le Levant soit déjà qualifié de Moyen-Orient… Après tout, de nombreux pays de l’Europe dite de l’Est (ou orientale) étaient des pays d’Europe centrale.
Blague à part, nous sommes une fois de plus face à une adaptation et à une adoption un peu rapides. Si nous avions sauvegardé le sens initial de Proche-Orient (Levant), un Moyen-Orient aurait été bien utile… alors que le calque (territorial…) de Middle East a introduit une certaine confusion. […]
En français, « Est » n’a pas la même signification qu’« Orient » (les majuscules indiquent qu’il s’agit de lieux et non de directions). En revanche, « est » et « orient » sont à peu près synonymes (si l’on oublie deux vieilles et précieuses acceptions d’« orient » : commencement, éclat). La nuance est intermittente avec l’adjectif « oriental » (de l’est mais également de l’Est ou d’Orient : les Pyrénées-Orientales ne sont pas en Orient), mais on la retrouve avec le substantif « orientaliste », qui en français ne désigne pas un spécialiste de l’allemand ou de l’italien, ni un peintre des vallées du Tessin. En revanche, de nombreux orientalistes ont peint des scènes du Maghreb (qui signifie « occident »…). L’Orient, en français, évoquait bien sûr l’Est lointain mais aussi le Sud et particulièrement l’Afrique du Nord… […]
P. DECLERCQ : L’Inde ne fait partie d’aucune région du monde dont le nom se compose d’un adjectif et du mot Orient.
C’est vrai, mais si le port de Lorient se nomme ainsi c’est grâce aux Indes orientales !
B. PICARD : Non, en anglais ce n’est pas une notion de nuance mais une différence de sens.
Je ne parlais pas des acceptions anglaises… mais du flou introduit en français par leur adoption inconsidérée, car elles ne se superposent pas intégralement aux notions françaises.
B. PICARD : Le Near East englobe la Palestine, Israël, la Syrie, l’Arabie Saoudite, le Yemen, Oman, la Turquie. Le Middle East comprend tous ces pays plus l’Irak, l’Afghanistan et l’Iran.
Eh bien, vous confirmez mes craintes… Allez dire à un francophone d’Istanb(o)ul qu’il vit au Moyen-Orient…
B. PICARD : Le Larousse en la matière s’est planté (trompé).
Pas vraiment… Il est imprécis sur ce point (et même un peu vaseux…), mais vous ne pouvez pas lui reprocher de se tromper… du moins tant que vous lui ferez écrire ce qu’il n’écrit pas. Relisez votre message initial… « Recouvrir partiellement » ne signifie nullement « être plus grand ou plus petit que »…


II. Les capitales du Pays basque…
et de la mer Noire

À Typographie, les 9 et 10 mars 2000.
Je vais te dire… dans le domaine de l’onomastique et des majuscules dites distinctives, [le correcteur orthographique Prolexis] a beaucoup de progrès à faire. Un exemple, un seul (les autres, je me les garde…) : demande-lui de vérifier « Pays basque »… il te « proposera » un très amusant « Pays Basque ». Alors… leur avis sur la capitalisation…
A. HURTIG : « Pays Basque », c’est une mauvaise saisie dans le dictionnaire des noms propres.
Si c’était la seule…
Restons dans la toponymie… qui est une source de divertissement. Tente ta chance avec un autre classique du genre : « Massif central »… Farce garantie ! Viens ensuite me répéter que je suis de mauvaise foi…
J. FONTAINE : Par exemple, dans le Grand Robert : « le Pays Basque » ou « Pays Basque français ».
Exemple habile… Le Grand Robert est un mauvais souvenir. Le Petit Robert et le Petit Robert des noms propres composent : « le Pays basque ».
J. FONTAINE : Le « pays basque » sur le modèle de « béret basque ».
Hihi…

À Typographie, le 8 juillet 2002.
O. RANDIER : Dans certains contextes (particulièrement en géographie), c’est l’adjectif seul qui forme le déterminatif. Il porte alors seul la majuscule et peut souvent être employé seul (l’océan Pacifique ou le Pacifique).
Souvent, oui… donc, « argument » dangereux. L’Indien, la Rouge, la Morte, le Blanc ?
O. RANDIER : Dans l’index d’un atlas, on aurait :
— Noire (mer)
— Noire (montagne)
Hum… D’accord pour la mer Noire (c’est une mer…) ou le causse Noir (c’est un causse…), non pour la « montagne Noire » (c’est un massif et une région…), donc : la Montagne Noire, indexée à « M ». L’I.N., cohérente mais insoucieuse de l’usage, écrit « Montagne noire ». (Il serait bon de la suivre, mais si c’est pour se faire opposer Larousse, Robert et autres références populaires, merci bien…)


Géologie Ère.

Les divisions géologiques prennent la majuscule initiale : le Tertiaire (mais : l’ère tertiaire).
Impr. nat. 1990.


Grade Fonction.

•• Majuscule

Les grades, les titres et les fonctions militaires ne prennent jamais la majuscule initiale : maréchal de France, généralissime, amiral, général, colonel, commandant, capitaine, lieutenant, aspirant, adjudant, sergent, maître, brigadier, caporal, etc.


•• Trait d’union

Dans les grades composés, chef, contre, major, quartier, sous et vice appellent le trait d’union : vice-amiral, vice-amiral d’escadre, contre-amiral, sous-lieutenant, adjudant-chef, sergent-chef, sergent-major, maréchal des logis-chef, quartier-maître, caporal-chef, brigadier-chef, etc., commandant en chef, général en chef, etc.
Deux grades (substantifs) associés pour en former un troisième sont liés par un trait d’union : lieutenant-colonel. Un lieutenant-colonel n’est pas lieutenant et colonel, alors qu’un médecin colonel est médecin et colonel.

Dans tous les autres cas, pas de trait d’union : maître principal, premier maître, second maître, premier matelot, commissaire général, ingénieur général, médecin général, officier marinier, premier lieutenant (Suisse). C’est une évidence avec la préposition de ou l’article contracté des : général d’armée, général de corps aérien, général de brigade, capitaine de frégate, chef de bataillon, lieutenant de vaisseau, maréchal des logis, etc.
Impr. nat. 1990, Larousse 1933, 1997, Robert 1985, 1993.

Bien qu’il n’y ait pas de troisième classe, on dit : soldat de deuxième classe.


Anciens titres et grades,
grades étrangers ou francisés

Règle identique : maréchal de camp, colonel général, capitaine-major, lieutenant général, capitaine général, adjudant général, adjudant-major, etc. (Tous ces généraux sont des adjectifs.)
Attention  ! Lieutenant-colonel (deux substantifs) mais un lieutenant général (substantif et adjectif) ; sergent-fourrier mais quartier-maître fourrier…

Grades étrangers, grades francisés : feld-maréchal, amiral de la Flotte, brigadier général, commodore, feldwebel.


Fonctions et titres civils historiques

Un lieutenant général du royaume, un lieutenant général de police, un lieutenant criminel (magistrat), un sergent de ville (gardien de la paix).


Accord en nombre

Contre, sous, vice : des contre-amiraux, des vice-amiraux, des sous-lieutenants ; chef, major, quartier : des sergents-chefs, des caporaux-chefs, des sergents-majors, des quartiers-maîtres, des caporaux-chefs. Des lieutenants-colonels, des commandants en chef, des feld-maréchaux.


Surnoms

Le Petit Caporal (Napoléon Ier), le Roi-Sergent (Frédéric Ier).


Divers

Voies publiques : avenue du Maréchal-Lyautey, place du Général-Gouraud, rue du Capitaine-Ménard, rue du Sergent-Maginot.
Belgique : boulevard du Général Jacques.

Les plumes d’acier exigent la majuscule et sont invariables : des Sergent-Major.
Un maréchal-ferrant, des maréchaux-ferrants.
le Capitaine Fracasse.



À France-Langue, le 29 juillet 1997.
K. MUKUNDI : Général, avec G majuscule, parce qu’il s’agit d’un titre officiel (comme Président, Secrétaire d’État, Ministre, Duchesse…), mais je crois savoir que l’application de cette règle n’est pas stricte.
Non, non… c’est le contraire…
Les titres, les grades, les fonctions ne prennent pas de capitale initiale, du caporal É. Pinglé au général de Gaulle, du maire d’Issy au roi de Prusse, du président Lebrun à la duchesse de Langeais…
C’est précisément parce que « le Général » désigne un individu « bien particulier » (Charles de Gaulle) et non un gradé indéterminé que l’on peut mettre une capitale initiale à ce grade employé seul ou absolument (mais ce n’est pas obligatoire…). Comme on en met une (ou deux…) au Petit Caporal ou à l’Empereur quand on désigne Napoléon Ier, empereur des Français…
Le titre ou le grade remplace le patronyme, c’est quasiment un surnom (c’en est même un dans le cas du Petit Caporal ou du Roi-Sergent). […]
Ah ! Exceptions : les titres n’ayant eu (heureusement) qu’un seul titulaire sont considérés comme des noms propres (façon de parler…) : le Prince-Président.


Graisse Police.



Grec Symboles.




Gris Blanc, Espacement.

Dans une composition bien interlettrée et bien interlignée, imprimée en noir sur un papier plus ou moins blanc, s’observent trois couleurs : le blanc, qui n’apparaît franchement comme tel que dans les marges ou entre les paragraphes ; le noir, qui n’apparaît réellement comme tel que vu d’assez près ; le gris du texte, synthèse, alliance, métissage harmonieux des deux autres couleurs. La lecture s’effectue grâce à l’alternance du noir de l’encre et du blanc du papier, mais la couleur essentielle de la page, la plus belle, la plus émouvante, c’est le gris du texte, précaire, irréel. Certes, les méfaits d’un mauvais imprimeur sont toujours décisifs, mais le gris est la seule couleur dont la qualité dépend avant tout du compositeur.


À Typographie, le 11 mai 1998.
T. BOUCHE : Pour ma part, je ne suis pas contre les didones, mais je pense que, toutes ces années après, elles continuent à être très exigeantes sur le plan technique. N’oublions pas que sans vélin, point de didone.
D’accord… (Mais à l’inverse, pas de vélin… sans Baskerville). Ce que tu dis est incontestable pour les vrais didots purs et durs, beaucoup moins pour les bodonis. J’entends les vrais didots électroniques, qui sont par nature les polices ayant le plus souffert de la disparition (provisoire ?…) des corrections pour chaque corps.
Il ne faut pas oublier que pendant tout le
XIXe siècle et pendant les premières décennies du XXe siècle (c’est-à-dire pendant le règne de la pâte mécanique merdique), la majorité des polices de labeur françaises furent des didones… Certes épaissies au point d’avoir des airs de mécanes allégées… mais fondamentalement des didones.
Cela explique en partie pourquoi nous sommes si nombreux à éprouver une sorte d’écœurement visuel face aux réales et aux transitionnelles molassonnes aujourd’hui si successfoules. Avis personnel : engendré par des lettres faiblement contrastées, grisâtres quoi, le gris typographique des réales modern(isé)es est moins admirable que celui d’un beau didot où le noir de chaque lettre mérite son nom. Faire du gris avec du gris sur du blanc, c’est quand même moins difficile qu’avec du noir et du blanc non mélangés…


Guerre Armée, Date, Décoration, École, Grade, Titre d’œuvre.

••• Ce mot ne mérite jamais la majuscule initiale, sauf si la guerre est Grande, mondiale ou folle.

1.

Dans les dénominations de conflits armés précis, si le terme caractéristique est un nom, il prend la majuscule initiale ( ou la conserve, s’il s’agit d’un nom propre), ainsi que l’éventuel adjectif antéposé ; si c’est un adjectif, l’initiale demeure une minuscule.

Noms.
La guerre d’Algérie, la guerre de Corée, la guerre de Crimée, la guerre d’Espagne.
La guerre des Boers, la guerre des Esclaves, la guerre des Mercenaires.
La guerre de Cent Ans, la guerre du Kippour, la guerre de Sept Ans, la guerre des Six Jours*, la guerre de Trente Ans.
La guerre des Deux-Roses.
La guerre de l’Indépendance**, la guerre de Sécession, la guerre de la Succession d’Autriche***.

* Sans trait d’union. Mais : les Six-Jours de Dunkerque (voir : Manifestation sportive).
** {La guerre d’Indépendance}. Attention à la « Déclaration d’indépendance » (1776).
*** {La guerre de Succession d’Autriche}.

Adjectifs.
La guerre civile espagnole, la guerre lamiaque, les guerres médiques, les guerres puniques, la première guerre punique, la guerre franco-allemande de 1870 (ou guerre de 1870, voir : Date), la guerre russo-japonaise de 1904-1905.

Exceptions.
La Guerre folle (1485-1488), la Grande Guerre, la Première Guerre mondiale (ou guerre de 1914-1918), la Seconde Guerre mondiale (ou guerre de 1939-1945 ; U.R.S.S. : la Grande Guerre patriotique), voir : Date.
Code typ. 1993, Girodet 1988, Larousse 1992.
Gouriou 1990, Impr. nat. 1990 : [guerres Médiques, guerres Puniques, première guerre mondiale, deuxième guerre mondiale].


2.

Si le terme caractéristique s’applique à une catégorie, à un ensemble de conflits, à une guerre virtuelle, à une lutte non armée, s’il qualifie la nature d’un conflit, etc., il conserve la minuscule initiale (nom commun ou adjectif) : une (des) guerre(s) de religion — mais les guerres de Religion (Europe, XVIe siècle) — le (les) conflit(s) israélo-arabe(s), la drôle de guerre, la guerre froide, la (une) guerre civile, la guerre éclair, une guerre coloniale, la (une) guerre révolutionnaire, la (une) guerre sainte, etc. ; la guerre psychologique, la (une) guerre économique, la guerre du porc, la guerre de la sardine, la guerre des étoiles (Ronald Reagan), la Guerre des étoiles (film de George Lucas), voir : § 4.
Remarque. — S’ils ne sont pas obligatoires, les guillemets sont parfois opportuns : « guerre des étoiles », «  drôle de guerre », «  guerre sainte ».


3.
••• Batailles et conflits divers.

Guerre a rarement droit à la majuscule initiale, bataille jamais. Cette règle vaut pour campagne, combat, croisade, expédition, opération, percée, prise, sac, siège, victoire, etc. Pour défaite, massacre, retraite également. Pour l’initiale du terme caractéristique, les lois de la guerre (voir : § 1 et 2) s’appliquent.
Larousse 1985, 1992, Robert 1985, 1993.

La bataille d’Alger, la bataille d’Angleterre, la bataille du Chemin des Dames, la bataille des Dunes, la bataille des Éperons d’or, la bataille des champs Catalauniques, la bataille de Lépante, la bataille de la Marne.
La campagne de France, la campagne de Sicile.
Le combat des Thermopyles.

La croisade, les croisades, la quatrième croisade, la IVcroisade*, la croisade contre les albigeois (voir : Adepte).
Exceptions.— la Croisade des enfants (1212), la Croisade des pastoureaux (v. 1250).
Larousse 1997, Robert 1991 (entre guillemets).
Micro-Robert 1990 {croisade des enfants}.

* Les croisades et les croisés font quasiment l’unanimité depuis bien longtemps :
= Larousse 1885, 1933, 1970, 1985, 1999, Lexis 1989, Littré 1872, Robert 1985, 1993.
Gouriou 1990 [Croisades].

L’expédition des Dardanelles, l’expédition des Mille (Garibaldi), l’expédition de Suez.
L’opération Barberousse.
La prise de Constantinople.
Le massacre de Wounded Knee.
Le sac de Dinant.
Le siège de La Rochelle.
La bataille de Valmy.

Lorsque le sens n’est pas équivoque (grâce à la dénomination seule ou grâce au contexte), le terme générique est fréquemment et judicieusement omis : Austerlitz, les champs Catalauniques, le Chemin des Dames, les Thermopyles, les héros de Valmy, etc.

Cartes, légendes, tableaux : si les ordinaux sont composés en chiffres (romains), la majuscule n’est pas fautive mais inutile et peu pédagogique (manuels scolaires).
Exemple.— La {VIIIe Croisade} sur la carte et, dans le texte, la VIIIe croisade.


4.

Conflits non armés, hostilités économiques, conflits dont la réalité historique est douteuse ou nulle, conflits fantaisistes : les règles énoncées ci-dessus n’interdisent pas l’allégorie, la personnification, l’emphase, la dérision, etc. Si une quelconque guerre de religion n’est pas autorisée à s’affubler d’une majuscule initiale, réservée aux nôtres, la guerre du maquereau peut à l’occasion devenir la guerre du Maquereau.

Les titres d’œuvres obéissent à leurs propres règles, qui peuvent avoir une incidence sur l’initiale des termes génériques : la Bataille de San Romano, La guerre de Troie n’aura pas lieu, la Victoire de Samothrace, etc. (voir : Titre d’œuvre).


5.

••• Si « hier » et « demain » sont des adverbes, « guerre » n’en est pas encore un : fréquents, [avant-guerre, tu étais jeune], [après-guerre, j’ai déménagé] sont fautifs comme le serait l’improbable [avant-veille, je suis revenu]. En revanche, « Entre deux guerres, il faut bien s’occuper » est tout à fait correct.
Exemples. — Avant la guerre, il pleuvait moins, c’était l’avant-guerre. Entre les deux guerres, il s’ennuya, c’était l’entre-deux-guerres. Après la guerre, les choses changèrent, c’était l’après-guerre.

Genre et nombre : un ou une avant-guerre, des avant-guerres, un ou une entre-deux-guerres, des entre-deux-guerres, un ou une après-guerre, des après-guerres.
Masculin ou féminin : Girodet 1988, Grevisse 1986, Hanse 1987, Larousse 1992, Lexis 1989 ; masculin : Robert 1985, 1993, Thomas 1971 (un après-guerre, un entre-deux-guerres).


6.

La croix de guerre, voir : Croix, Décoration.


7.

L’École supérieure de guerre, voir : École.


Guillemet Apostrophe, Citation, Dialogue, Italique.

Exemple de ponctuation défectueuse, due à Abel Hermant (Xavier, ou les Entretiens sur la grammaire française), principal rédacteur de la Grammaire de l’Académie française, puriste linguistique et ethnique justement épuré en 1944 : Pourtant, il appelait Boileau, qui était son ami, « Monsieur Despréaux. »
Cas très particulier (point abréviatif), dû à Maurice Grevisse (Problèmes de langage, III), grammairien débonnaire, chantre du bon usage établi par les écrivains du premier rayon : Le Dictionnaire de l’Académie, n’a pas laissé de faire une petite place à cet emploi de sortir, non sans faire précéder l’expression, bien entendu, de l’enseigne : « Pop. ».
Cette ponctuation n’est en principe guère recommandable, mais l’élimination du point final engendrerait un léger malaise. Dans de semblables occurrences, la meilleure solution consiste à modifier la structure de la phrase — ce qu’ici je me garderai bien de faire —, afin d’éloigner le point abréviatif du point final. (La virgule après « Académie » est en revanche très fautive : bien que relevée chez un grammairien de premier plan, elle n’appartient pas au bon usage. On me dit qu’elle est imputable à un correcteur ou à un typographe ? Certainement, mais pas plus et pas moins que quantité de formes régulières attribuées aux auteurs par les recenseurs du bon usage.)

Traditionnellement, les guillemets fermants sont utilisés comme signe de nullité. Cette tradition est nulle.

Dans les ateliers, la machine à cintrer les guillemets était l’équivalent de la désopilante clé du champ de tir des militaires. Plus d’un apprenti fut envoyé la quérir ; parfois avec une brouette. Selon Chautard 1937, quelques benêts désireux de ne pas rentrer bredouilles se rendaient chez un forgeron.


I. Les "guillemets" de machine à écrire

À F.L.L.F., le 11 août 2000.
D. LIÉGEOIS : Par ailleurs, je me demande si les « guillemets droits » des machines à écrire méritent vraiment le nom de guillemets anglais, appellation que je réserverais aux véritables curly quotes.
Ah ! malheureux ! Vous rouvrez la « Querelle des gants de toilette »… Un truc magique… Bien entendu, les guillemets anglais sont ceux que vous appelez ainsi. Les petites saloperies verticales s’appellent « guillemets dactylographiques » (eh oui…) ou, pour les intimes, « chiures de mouche » (la « chiure de mouche » est l’apostrophe verticale, ou « apostrophe dactylographique »), ou « gants de toilette », ou tout autre blaze désobligeant mais évocateur.

À F.L.L.F., le 17 août 2001.
D. B. : Quel que soit le nom qu’on leur donne, je les aime bien.
Quel que soit le nom qu’on leur donne, je ne les aime pas.
Une raison, parmi d’autres… comparez : .


II. Bons et mauvais usages
des guillemets (anglais et français)

À Typographie, du 26 au 27 novembre 1998.
P. JALLON : En presse magazine, il y a aussi un autre cas d’utilisation : pour les titres (ou intertitres) écrits dans un grand corps et faisant appel à des guillemets (en général, pour des citations). Dans ce cas, l’esthétique du guillemet anglais vaut bien souvent mieux que celle du guillemet français. On trouve ce cas de figure même dans des publications où, dans le corps des « papiers », le guillemet français est systématiquement utilisé.
J.-D. RONDINET : Je suis tout à fait d’accord (et je pratique !), mais je n’avais pas osé le dire en FAQ. Je vais le faire, sauf majorité contraire.
Oh ! non… pas ça… ou alors, en insistant lourdement sur le fait que c’est une licence que la presse* s’accorde à elle-même…
* Et d’autres… mais tu ne fais pas une FAQ-Graphisme… Serre la vis, nom de Diou !
J.-D. RONDINET : Je compte ajouter ça : Certains pensent, à tort selon nous, qu’on pourrait mélanger les guillemets français et anglais, les premiers indiquant des citations et les seconds des mises en relief ou des mots étrangers. Ex. : Il m’a dit que le “carving” était « une mode débile qui passera vite ». Oui ? Non ?
Oui… enfin, oui, tu peux dire que c’est très con ! Que c’est du surcodage de et pour maniaques ! En outre, ça viole toutes nos chères conventions ! Ça associe la carpe et le lapin, les prétendues mises en relief (expression qui renvoie à des cas très variés…) et les termes étrangers non intégrés au lexique français (et l’ital, il sert à quoi ?) !
Toutefois, je me demande si c’est bien raisonnable d’évoquer une pratique si marginale… Qui sait ? Elle pourrait séduire quelque farfelu l’ayant découverte grâce à notre FAQ !… Nos recommandations, peau de balle ! C’est chouette, j’adopte !
Mets bien dans la tête de l’éventuel lecteur que ce « mélange » n’a rien à voir avec l’une des formules de citation seconde ! Myself, en commençant à lire ta phrase, je me suis demandé pourquoi tu condamnais le mélange… Il est vrai que je suis un rien abruti, this evening… Tout de même… faut que le lecteur comprenne que si : Il m’a dit que le “carving” était « une mode débile qui passera vite » est une ignominie… eh ben… surprise… Il m’a dit que « le “carving” est une mode débile qui passera vite » est déjà moins pénible, même si, évidemment, dans cet exemple, l’ital ferait meilleure figure… ce qui me fait penser qu’un exemple avec un terme français mis en relief (hihi…), par exemple pour indiquer une acception très particulière, serait plus probant.
Mauvais, pas bon, odieux : Il m’a dit que la “typographie” était « une mode débile qui passera vite ».
Bon, subtil, correct : Il m’a dit que « la “typographie” est une mode débile qui passera vite ».

À Typographie, le 14 septembre 2001.
J. TOMBEUR : Jean Méron s’est interrogé sur cette question. Il préconise les guillemets doubles pour marquer les citations, les guillemets simples pour marquer une notion de doute, d’incertitude, ou cet usage de distanciation.
La citation et la prise de distance relèvent de la même démarche. Vouloir les différencier graphiquement est une idée farfelue. Du surcodage, l’horreur donc…
J. TOMBEUR : Son raisonnement : puisqu’il y a des doubles et des simples, autant tirer parti des simples.
Quels « guillemets simples » ? Qu’est-ce que tu appelles des « guillemets simples » ?… Les ‹ chevrons › ? Que le Seigneur te vienne en aide, malheureux égaré…
J. TOMBEUR : L’origine de l’emploi des guillemets, c’est le besoin de marquer « ce qui n’appartient pas à l’auteur ».
L’origine des guillemets fut le souci de remplacer l’italique quand on n’en disposait pas. Ces temps sont révolus depuis lure-lure. Des rôles distincts et précis ont été attribués à l’italique et aux guillemets. Du moins en France.
J. TOMBEUR : Certains seraient assez partisans de se dispenser totalement des guillemets.
Des noms !


III. Guillemets et italique

À Typographie, le 13 janvier 1998.
D. PUNSOLA : Ça me fait penser à l’abus des guillemets. C’est un processus exclusivement lié à l’écrit. Lorsque le texte est lu, l’intention que veulent traduire les guillemets disparaît. Les guillemets sont souvent une paresse de l’auteur. Il veut par là exprimer une nuance, mais il serait tellement mieux de l’exprimer par des mots. Il arrive même parfois que l’on n’arrive pas à comprendre l’intention que l’auteur a voulu mettre dans les guillemets. Je trouve que tout cela traduit un mépris de la langue.
Sur un certain usage des guillemets, je suis plutôt d’accord avec vous, mais je me garderai bien de le condamner sans appel. Encadrant un mot ou une expression appartenant en propre au texte de l’auteur (n’étant donc pas une citation d’un tiers), les guillemets sont le signe d’une acception subjective, à l’inverse de l’italique, qui est la marque de l’objectivité (voir son emploi dans l’autonymie).
Exemples :
— Il est clair que typographe est un substantif masculin.
— Ce « typographe » ne manque pas d’air.
Évidemment, tout abus des guillemets subjectifs est ridicule, lourdingue et, pour le coup, un peu méprisant pour le lecteur, dont on doute qu’il soit capable de saisir sans aide une inflexion de sens. Mais là, on est déjà en pleine stylistique typographique…

À Typographie, le 28 novembre 1998.
J.-D. RONDINET : OK pour l’exemple « guilles quand on n’a pas d’italique »,
Attends, attends, JiDé ! C’est vrai, la question se pose… mais pas tous les jours et pas partout…
Qui, aujourd’hui, n’a pas d’italique ? J’entends… qui compose aujourd’hui des textes où le respect des conventions typographiques s’impose (sinon, pourquoi interroger la FAQ-Typo ?)… sans avoir d’italique sous la main ? […]
Certes, je le sais bien, les guillemets remplaçaient jadis l’ital… Certes, je le sais bien, cette question se pose avec des polices qui par nature ignorent l’italique… Mais qui compose en gothique, en chancellerie, en Stencil machin, en Trucwood ? Certaines polices (linéales, mécanes…) ayant une bonne mine romaine (qui les rend appétissantes et aptes à la compo) sont dépourvues de véritable italique ? Eh bien, on les fout à la poubelle ou on les oublie… Il existe suffisamment de bonnes polices auxquelles il ne manque rien !

À Typographie, le 14 septembre 2001.
J.-C. DUBACQ : Je vais le dire bêtement, mais si on met [le mot « a priori »] entre guillemets, ça ne peut pas aider ?
Ce serait une « insistance » bien particulière puisqu’elle signalerait au lecteur que le terme ou l’expression est à prendre avec des pincettes… en clair : que l’auteur l’emploie dans une acception très infléchie, « personnelle », voire lourdement ironique, à ne surtout pas prendre à la lettre, bref, le contraire de l’« objective » insistance désirée…
Si l’on tient vraiment à « insister » (ce qui est quand même une curieuse idée…) sur un terme ou une expression appelant l’italique… attendu que l’italique de la graisse ambiante n’est d’aucun secours… attendu que le romain ordinaire aurait le double inconvénient de ne pas insister et d’introduire une faute, que le gras est une abomination et le soulignement une horreur satanique, que les guillemets sont exclus… que reste-t-il ? Beaucoup de choses… par exemple, et par ordre de « tolérabilité » décroissante : les petites caps romaines, l’ital demi-gras dans le même corps, l’ital bas de casse d’un ou deux points supérieur au corps courant…
J. TOMBEUR : Par ailleurs, les guillemets peuvent avoir un effet de renforcement (totalement à l’opposé de la distanciation, donc). Ainsi, dans l’énoncé : c’est proprement « stupéfiant », les guillemets de « stupéfiant » peuvent indiquer qu’il s’agit bien du seul terme approprié, adéquat, qu’il n’en vient pas d’autre à l’esprit, qu’il faut prendre stupéfiant à son sens « premier ».
Niet… Pour insister lourdement (et le plus souvent inutilement) sur l’emploi « objectif » du sens premier, c’est l’italique qu’il faut employer.
En gros, quand le signal renvoie au locuteur (le scripteur ou un tiers « cité »…), guillemets. Quand il renvoie au terme lui-même et de ce fait exclut autant que faire se peut le locuteur (emploi ostensiblement objectif, autonymie, etc.), italique.
Cela dit… s’il faut indiquer au lecteur quels termes sont employés à coup sûr dans leur sens premier et quels sont ceux où un infléchissement est à prendre en compte… la néotypographie va devenir amusante… Rien que de l’ital et du romain entre guillemets…